L’année 2024 s’achève, laissant derrière elle un goût amer. Oui, comment ne pas évoquer ici le génocide perpétré par Israël à Gaza, et la guerre qui semble nous guetter de partout, quand elle n’a pas déjà avalé des pays entiers… le Soudan, l’Ukraine, le Liban… Comment ne pas évoquer aussi les élections américaines avec la réélection de Donald Trump et son cortège de mangemer… pardon, morts, mangemorts ! Comment ne pas évoquer la casse sociale et politique, un peu partout, de la France à l’Argentine, le chaos au Mali et dans les pays du Sahel…
Mais, une fois cette amertume passée, il y a eu aussi du positif cette année ! Il y a eu de grandes avancées médicales concernant un vaccin contre le paludisme, les élections au Sénégal, les Jeux olympiques de Paris, l’essor économique de la Tanzanie, la chute de Bachar el Assad, les accords de paix en Éthiopie…
Le monde de la culture en Afrique n’est pas en reste non plus et nous a encore réservé de jolis moments, que ce soit au cinéma avec la sortie de films comme La mère de tous les mensonges de la réalisatrice marocaine Asmae El Moudir, Disco Afrika de Luck Razanajaona, ou encore l’éthérée Black Tea de Abderrahmane Sissako, ou dans le monde des arts visuels avec la tenue de la biennale de Dakar, et celle de Jaou à Tunis, dédiée à la photographie, le développement de plateforme comme celle sud-africaine de la Lo-Def Film Factory.
Et puis, bien sûr, il y a la musique ! Avec l’essor international des musiques afro dans toutes les contrées du monde, la domination de l’afrobeat et de l’amapiano, mais aussi des sorties plus confidentielles, mais de grandes qualités qui nous ont fait vibrer toute l’année ! Avec ce Top des meilleurs albums et EPs de l’année, nous revivons quelques-uns de ces grands moments de musique qui nous ont fait vibrer en 2024. Nous en avons choisi 28, que vous retrouverez dans ce Top divisé en deux parties ; bien sûr l’ordre d’apparitions des albums et aléatoires.
Etran de l’Aïr 100% Sahara Guitar // Niger
Comment ne pas parler du groupe touareg Etran de l’Aïr qui après plus de 20 ans de carrière a enregistré et sorti cette année son premier album studio en bonne et due forme, 100% Sahara Guitar ! Oh, bien sûr depuis leur N°1 sorti en 2018 déjà chez Sahel Sounds, le groupe avait atteint un autre niveau, emmenant leur musique de mariage bien au-delà des limites du cercle d’Agadez dont ils sont originaires, mais c’est là, avec ce disque, qu’au détour d’une tournée américaine ils ont pu faire une halte dans des studios américains, et y enregistrer cette petite pépite de rock touareg qui fait pleine place aux guitares… en même temps c’est dans le nom du disque !
Asake Lungu Boy // Nigeria
Des millions de vues et de streams cumulés, des feats avec des artistes de presque tous les continents, un style qui bondit d’un recoin de la fuji music sur l’amapiano et l’afrobeat ! L’artiste nigérian Asake avait déjà éclaté à la face du monde l’an dernier, avec la sortie de son album Work of Art, cette année, avec la sortie de son disque Lungu Boy, il est devenu incontournable, un vrai african giant pour en citer d’autre !
Accra Quartet Gbɛfalɔi // Ghana
Cette sortie fut, il est sur, plus discrète, surtout si on la compare à notre précédente entrée, mais quel plaisir de retomber dans le jazz et les polyrythmies de l’Accra Quartet et de leur disque Gbɛfalɔi ! Rencontre entre le tromboniste ghanéen Elikplim Kofi, et le guitariste américain Nathaniel Braddock, ce disque est une douceur raffinée et ghanéenne à consommer sans modération.
DJ Lycox Guetto Star // Portugal, Angola
Plus le temps passe plus les créations de DJ Lycox deviennent subtiles et complexes ! Avec son dernier album Guetto Star, paru chez Príncipe, le DJ et producteur portugais d’origines angolaises explore encore un peu plus les limites du kuduro et de la batida. Loin de se limiter aux simples beats afro-house, ou aux ambiances clubbing, ses compositions forment un territoire sonore où des influences multiples cohabitent dans un équilibre fragile et magnétique.
Waaju et Majid Bekkas Alouane // UK, Maroc
Alouane, voici un disque pour le moins intéressant, puissant, et coloré, sorti sur le label britannique BBE Music. Un album qui réunit d’un côté Waaju, un des collectifs les plus pertinents de la bouillonnante scène jazz anglaise, et de l’autre le grand maalem marocain Majid Bekkas ! Un album aussi qui réussit à capter l’énergie live des deux pendants de ce disque, durant un concert londonien qui réunissait Waaju et Bekkas sur la même scène. Un joli moment de transe et de danse, de tourbillons gnawa et de fusion jazz.
Ghostpoet Am I The Change I Wish To See? // UK, Nigeria
Inclassable, étrange, habité… celui que l’on appelle Ghostpoet, cet artiste anglais d’origine nigériane et dominicaine, qui hante nos playlists depuis tant d’années a fait son grand retour après quatre ans d’absence avec la sortie del’ EP, Am I The Change I Wish To See? Sur un fil qui danse au-dessus de l’abyme, l’artiste laisse courir ses mots et sa poésie, il infléchit, glisse, souffle consonnes et voyelles… syllabes et phonèmes, il laisse la tonalité grave de sa voix s’infiltrer au milieu des synthés et des percussions électroniques, il s’enroule autour de la répétition, se fait à la fois hypnotique tout autant qu’injonction… au changement !
Malcolm Jiyane Tree-O True Story // Afrique du Sud
On rentre dans cet album un peu comme on rentrerait dans un shebeen d’un township de Johannesburg… un lieu d’ivresse et de musique qui scintille dans la cohue, dans l’anarchie de l’urbanisme et de la société. Un lieu qui, ici, passe en revue l’histoire du jazz sud-africain, embrasse ses mélodies et ses rythmes, se laisse séduire par le rebond du mbaqanga, ou les échos lointains de l’afrobeat ou du reggae. Un lieu dans lequel on peut venir s’asseoir en pensant à des idées noires, en tout cas celles de Steve Biko, ou, vertes comme celles évoquées sur le très alarmiste « Global Warming ». Un lieu où l’on peut siroter sa bière en écoutant les notes que Malcolm Jiyane Tree-O laisse coulisser sur le cuivre de son trombone, et sur ce disque True Story !
Sisso & Maiko Singeli Ya Maajabu // Tanzanie
Le label Nyege Nyege Tapes a eu la bonne idée cette année de réunir Sisso et Maiko, deux piliers de la nouvelle scène singeli tanzanienne – vous savez ce tourbillon électronique qui propulse les rythmes et les mélodies traditionnels à des BPM stratosphériques – sur un album commun, un album qui résonne comme une tempête de son, Singeli Ya Maajabu !
Praktika Balani Factory // France, Burkina, Côte d’Ivoire
Dans la Balani Factory de Praktika, cet album, érigé en usine à son et à balafon, emblématique xylophone ouest-africain, on déambule dans des couloirs où se côtoie grosses machines aux sons mécaniques et lourds, et le lancinant martèlement des lamelles des balafons, ceux, respectivement burkinabés et maliens, d’Innocent Kimpé et de Lansiné Kouyaté. On erre dans l’ivresse des beats et des percus, celles du batteur ivoirien Sly A10, jusqu’à se faire happer par les scansions griotiques et les chants inspirés de Dafra Keita et Jahelle, jusqu’à se faire happer par les envolées aériennes de synthés répétitifs…
Atelier Lights Towards The Exit // Afrique du Sud
Le duo sud-africain Atelier à déménagé à Berlin, et ce changement d’atmosphère se ressent dans la musique de ce nouvel album, de ce Lights Towards The Exit, les rondes langueurs du premier album, qui avaient tendance à s’étaler et à prendre toutes leurs places, se retrouvent ici contraintes par l’urbanisme berlinois. Alors, bien sûr, on retrouve sur ce second opus l’identité, l’âme, du duo qui oscille entre house, deep house, trip-hop, pop, et une sensibilité bien à eu… mais ! Mais, il y a quelque chose qui a changé, les langueurs et les rondeurs dont on parlait semblent être aspirées par le haut, par la ville et son bruit, aspirer par les immeubles, dans une sorte de grande respiration verticale… qui, en réalité, ne manque ni de souffle ni de charme !
Mdou Moctar Funeral for Justice // Niger
Funeral for Justice, le titre de cet album du guitariste touareg Mdou Moctar est on ne peut plus clair… après des années de lutte pour l’indépendance et la dignité de son peuple, Mdou Moctar enterre l’idée de justice avec ce disque. Une amertume qui se ressent dans la violence et le fracas des guitares, dans les cavalcades déterminées de la batterie et de la basse, et bien sûr dans les chansons. Des chansons qui condamnent cette France coloniale qui n’a jamais rompu avec ses idées sur l’Afrique, des chansons qui condamnent les politiques corrompues et cyniques menées par des gouvernants vénaux et pervers, des hommes qui ont toujours méprisé le peuple, et plus encore le peuple touareg.
Masaka Masaka Barely Making Much // Ouganda
Barely Making Much de l’artiste ougandais Masaka Masaka, cet album nous a un peu fait penser à ces genres de manèges, dans les grands parcs d’attractions occidentaux, où, les fesses vissées dans un wagon, l’on se laisse promener dans l’univers thématique, souvent horrifique, proposé par l’animation. Oui, une ballade dans un wagon, où nous nous retrouvons plus contemplateur qu’acteur du spectacle que Masaka Masaka laisse défiler sous nos oreilles. On s’y promène comme dans un univers à la fois introspectif et onirique. Les différentes strates de sons et de musiques qu’orchestre le producteur ougandais, se superposent, s’entremêlent. Et quand les brumes électroniques, les bruits et les grésils, quand les mélodies et cliquetis s’apaisent, elles laissent alors apercevoir leurs armatures faites de hip-hop, de drum’n’bass et de bass music, de pulsions afros en tout genre et de pop poussée à ses extrémités les plus hyper.
Aziza Brahim Mawja // Sahara Occidental
Mawja, la vague, le cinquième album de la chanteuse sahraouie Aziza Brahim, pourrait être placé sous le signe du toujours. Toujours la même qualité disque après disque, toujours cette musique baignée par le désert, mais aussi par ses pérégrinations espagnoles, par le blues, et même par le punk, en tout cas celui des Clash qui abreuve les batteries de cet album ! Toujours le label Glitterbeat derrière cette parution, toujours le bassiste catalan Guillem Aguilar pour l’accompagner… Toujours aussi la nostalgie, cette mélancolie gravée par la vie dans la musique d’Aziza Brahim, gravée par l’exil, par le souvenir des camps de réfugiés, ou sa famille vit, là aussi, toujours.
Abdullah Ibrahim 3 // Afrique du Sud
C’est en trio qu’Abdullah Ibrahim, le Mozart sud-africain, tel que l’a appelé Nelson Mandela, refait son apparition, avec un cet album sobrement nommé 3, paru chez Gearbox Records, et quel album ! Tout ici semble toucher la perfection, de la pochette sobre, abstraite, noire, blanche aussi, aux notes du pianiste qui s’organisent, se croisent, et s’alignent dans des phrases qui émeuvent, et qui suspendent… oui, qui vous suspendent à leur moindre mouvement, qui suspendent le jeu du reste du trio à leurs moindres variations, qui suspendent votre réflexion, qui suspendent même le temps, à ses émotions !
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[…] qui ont fait l’année 2024 que ce soit en Afrique, avec notre Top des meilleurs albums de 2024 Partie 1 et Partie 2, mais aussi hors d’Afrique, mais on ne pouvait clore cette année sans vous […]
[…] tout ce qui s’est passé dans le monde des musiques afro, on l’a déjà fait dans notre top des Meilleurs Albums de 2024 Partie 1 et Partie 2, dans notre Top des Meilleurs Albums du Reste du Monde de 2024, et dans notre Top des […]