Pour Me A Grog : le Funaná, de la contrebande aux festivals

Après la compilation Synthesize the Soul : Astro-Atlantic Hypnotica from the Cape Verde Islands, et le genre de best of du Grupo Pilon, Leite Quente Funaná de Cabo Verde, les aventuriers du son d’Ostinato Records sont à nouveau allés plonger leurs diamants curieux du côté du Cap-Vert d’antan, et de son effervescente scène Funaná, et en reviennent avec une nouvelle compilation qui va faire soulever la poussière dans les bals de rues, comme dans les boites les plus modernes… et pourquoi pas même chez vous ! C’est Pour Me A Grog: The Funaná Revolt in 1990s Cabo Verde!

L’occasion de revenir sur ce genre musical qu’on dit hérité de quelques habitants de l’ile de Santiago, les Badius, qui, dans les années 50, sont parti dans une improbable quête de leur Graal musical, un accordéon, la gaita ! Et pour ça, ils sont partis loin, et longtemps, un périple d’une ile à une ile, de Santiago à Sao Tomé. Pour pouvoir se procurer le fameux accordéon, ils sont restés travailler des années à Sao Tomé, petits jobs mal payés, boulots harassants dans les plantations de café et de cacao, tous les labeurs étaient bons pour se rapprocher de leur objectif. Et quand, enfin, ils ont pu acheter leurs gaitas… il leur a fallu encore travailler pour pouvoir se payer le billet de retour au Cap Vert… de retour à la maison, les années 50 étaient finies, mais ils avaient leurs accordéons !

Toutes ces souffrances accumulées, celle de Sao Tomé, où les employés des plantations n’ont guère meilleur traitement que les esclaves d’antan, à celles du Cap-Vert, archipel sous le joug de la terrible dictature portugaise de Salazar — imaginez un peu, ce n’était déjà pas la fête au Portugal, alors là-bas dans les iles africaines… avec la mentalité coloniale raciste qui s’ajoute à l’autoritarisme initial – et gangréné par la misère et les sécheresses, toutes ces souffrances transparaissent derrière la trame effrénée du Funaná. Comme les chanteurs de raï algériens, les badius du Funaná noient la souffrance du quotidien dans la musique, dans la folie d’une fête que l’on veut sans fin, dans l’ivresse des accordéons et du grog de canne à sucre cap-verdiens, et dans le vas et vient hypnotique des ferrinhos. Et tandis que les rythmes et les mélodies viennent anesthésier la dure réalité de la vie, les paroles, elles, racontent ce quotidien, mêlent poésie brulante, détresse, et espoir de changement. C’est pour ça que cette musique de la parole et des corps dérange l’autorité coloniale. Elle est bannie, censurée, malmenée… les musiciens aussi. L’église, alliée naturelle des pouvoirs autoritaires, la déclare anti-biblique et satanique. Le Funaná devient musique de contrebande.

Un maquis dont elle aura du mal à s’extirper. L’indépendance de l’archipel en 1975, et la montée au pouvoir d’un parti unique, marxiste, le PAIGC, qui deviendra ensuite le PAICV, n’arrangent pas vraiment les choses. Il faudra attendre 1991, et l’avènement des premières élections libres et multipartites du Cap-Vert, pour que le Funaná sorte de la clandestinité et des villages où il était contenu. On fait appel aux vétérans du genre pour venir jouer dans les festivals, on envoie en studio ces aventuriers, ceux qui étaient partis à Sao Tomé chercher leurs gaitas, pour les enregistrer pour la toute première fois ! Et c’est ces enregistrements de la fin des années 90, ceux de Tchota Suari et du groupe Ferro Gaita, ceux de Bitori et d’Orlando Pantera… que Ostinato Records remet au gout du jour sur cette fabuleuse compilation Pour Me A Grog : The Funaná Revolt in 1990s Cabo Verde, qui sort à la mi-octobre.

Ostinato Records – Pour Me A Grog: The Funaná Revolt in 1990s Cabo Verde :

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