On n’est peut-être pas dans Highlander, si si, la série à l’ancienne, avec ses épées, ses katanas et ses ralentis de duel sous la pluie écossaise… mais aujourd’hui, on va quand même parler d’Immortels. Pas ceux qui se décapitent à coups de sabre, non. Plutôt ceux qui ont tranché des pans entiers de l’histoire musicale pour y inscrire leur nom à jamais. Ceux dont les voix continuent de résonner dans les ruelles poussiéreuses de Bamako, les studios moites d’Accra, les scènes révolutionnaires de Brazzaville, ou les nuits fiévreuses de Conakry. Et puis aussi ceux qui ont fait l’Histoire, avec un grand H. Des figures héroïques, souvent tombées, parfois oubliées, que nos hérauts du jour chantent, pleurent, invoquent.
Dans cette nouvelle sélection de La Classique, les cordes grincent comme des souvenirs, les voix s’élèvent comme des prières, et les percussions battent au rythme d’une mémoire vivante. De la majesté de Naïny Diabaté aux incantations brumeuses de Pedro Lima, de l’hommage vibrant de Balla et ses Balladins à l’élégie brûlante de Franklin Boukaka, sans oublier l’urgence kologo-punk de Bola, cette playlist est un mausolée sonore, un jardin de statues musicales, un cimetière joyeux où les esprits dansent encore. Alors, pas besoin d’épée magique pour sentir le poids des légendes : il suffit d’appuyer sur lecture.
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Naïny Diabaté « Sandiya », le souffle chaud du Mandé // Mali
Avec « Sandiya », Naïny Diabaté déploie toute la majesté de sa voix pour tisser un chant d’hommage et de respect, dédié à celles qui donnent, protègent et élèvent. Sur une instrumentation épurée mais vibrante — balafons cristallins, ngonis rebondissants, lit de percussions et flutes peules — la chanteuse malienne entonne une louange qui résonne comme un baume, un souffle chaud venu du Mandé. Héritière des grandes voix griotiques, Naïny mêle ferveur et douceur, tradition et modernité, pour célébrer les piliers invisibles de la communauté. « Sandiya » n’est pas seulement une chanson, c’est un moment suspendu, qui rappelle que la parole chantée reste une force vive, capable de faire vibrer autant les anciens que les cœurs les plus modernes.
Pedro Lima « Sama Nanzalé », la voix râpeuse et incantatoire de l’Atlantique // Sao Tomé
Avec « Sama Nanzalé », la voix râpeuse et incantatoire de Pedro Lima surgit des brumes du golfe de Guinée comme un appel irrésistible à la danse et à la mémoire. Emblématique crooner du São Tomé des années 70, le roi du ússua (genre musical santoméen qui a quelques proximités avec la rumba congolaise) signe ici une fresque vibrante, où les guitares liquides et les claviers en apesanteur s’entrelacent dans un groove hypnotique, à mi-chemin entre rumba, coladeira et soul atlantique. Dans cette ode lancinante à l’amour et au désir, Lima chante avec une intensité fiévreuse, portée par une section rythmique en état de transe. « Sama Nanzalé » n’est pas qu’un morceau : c’est un écho insulaire, un souffle de résistance, un cri du cœur venu des tropiques qui fait danser les fantômes de l’Atlantique.
Balla et ses Balladins « Lumumba », hommage au leader congolais assassiné // Guinée
Avec « Lumumba », Balla et ses Balladins signent bien plus qu’un hommage : un manifeste musical vibrant à la mémoire du leader congolais assassiné. Portée par une orchestration majestueuse, où les guitares mandingues dialoguent avec une section de cuivres solennelle, cette chanson convoque l’élan panafricain des années 60, époque où les orchestres nationaux devenaient les porte-voix d’une Afrique fière, insurgée, et en quête de dignité. La voix grave et posée de Balla Onivogui, figure tutélaire de la musique guinéenne, résonne ici comme une prière pour les martyrs du continent, un chant de résistance ourlé de douceur, de tristesse et d’espoir. « Lumumba » n’est pas seulement une chanson : c’est une stèle en notes et en rythme, dressée au cœur du patrimoine sonore de l’Afrique indépendante.
Franklin Boukaka « Les Immortels », le chanteur devenu lui aussi immortel // Congo Brazza
Avec « Les Immortels », Franklin Boukaka convoque les esprits de la lutte et grave dans le sillon de la rumba congolaise le nom de ceux que l’Histoire tente d’étouffer. Sur un rythme lent, presque funèbre, porté par une guitare obsédante et une voix qui semble sortir du ventre du peuple, le chanteur congolais égrène les noms de héros africains tombés pour la liberté – Lumumba, Cabral, Sankara… mais aussi ceux du quotidien, militants anonymes, oubliés des manuels. Le morceau, incandescent et solennel, vibre comme une veillée politique, où chaque mot pèse son lot de sang et de dignité. « Les Immortels » n’est pas une simple chanson engagée : c’est un chant de mémoire, une prière laïque pour les bâtisseurs d’utopie, un cri lucide venu d’un artiste trop tôt disparu, mais qui, lui aussi, est devenu immortel.
Bola « Hoyenbesa Nini », kologo déglingué et complainte hypnotique // Ghana
Avec « Hoyenbesa Nini », le Ghanéen Bola ouvre une brèche temporelle où les échos des années 70 rencontrent les pulsations d’un futur rêvé. Armé de son kologo (genre de luth à deux cordes) déglingué, de beats bricolés à l’os et d’une voix râpeuse comme un vieux transistor fatigué, il tisse une complainte hypnotique, presque incantatoire. On ne sait jamais très bien si l’on danse ou si l’on prie, tant le morceau oscille entre trance urbaine et rituel ancestral. Dans un style brut, presque punk par son urgence, Bola insuffle une tension rare, portée par cette langue qui claque et ces kologos qui grincent comme des souvenirs qu’on n’arrive pas à oublier. « Hoyenbesa Nini » n’est pas juste une chanson : c’est un appel, un chant d’alerte, un fragment incandescent de ce que pourrait être l’afrofuturisme s’il avait grandi dans un quartier poussiéreux de Bolgatanga.
Djolo – La Classique :
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