La Classique, une playlist comme un tourbillon d’émotions et de rythmes, où les reines africaines transforment les failles en puissance, les larmes en or, et les traditions en bangers. D’Alger à Harare, de Dakar à Soweto, on y entend les cris d’amour, les chants de guerre, les promesses tenues et les serments brisés – toujours portés par des voix indomptables, capables de faire danser les fantômes autant que les foules.
Ici, les guitares se frottent aux tambours, les synthés font des clins d’œil à la trance rituelle, et surtout, les artistes font des bulles de pop : sucrées, explosives, inoubliables. Une traversée du continent sous le signe des battements de cœur et des révolutions douces.
Brenda Fassie « Nomakanjani » : amour électrique, kwaito, et bubblegum pop // Afrique du Sud
Sorti en 1999, « Nomakanjani » marque l’un des retours les plus flamboyants de Brenda Fassie, icône indomptable de la pop sud-africaine. Titre phare d’un album vendu à plus de 400 000 exemplaires – un record absolu –, cette ballade amoureuse s’impose comme un hymne à la fidélité, au courage, et à l’amour « quoi qu’il arrive », sens même du mot « nomakanjani » en zoulou. Portée par une ligne de basse charnue, des synthés sucrés et la voix rauque, vibrante, de Brenda, la chanson navigue entre la bubblegum pop et le kwaito naissant, dans un mélange aussi accessible qu’irrésistible.
Mais au-delà du tube, c’est tout le feu de Brenda Fassie qui brûle ici. Survivante des excès et des scandales, idole des townships, elle chante ici son cœur à nu, avec la rage tendre de celles qui n’ont jamais baissé les bras. « Nomakanjani », c’est sa déclaration au monde, à son public, à ses amours cabossés : une promesse de rester debout, coûte que coûte. Une fois encore, la Reine Brenda, la Madonna des townships, transforme ses fêlures en or et impose sa voix comme l’une des plus inoubliables du continent.
Warda « Haramt Ahebak » : la reine blessée du tarab algérien // Algérie
Dans « Haramt Ahebak », Warda ne chante pas l’amour — elle le crucifie. Sorti en 1992, ce classique tardif de la diva algérienne sonne comme une claque pleine de dignité dans le visage de l’ingratitude. Sur une orchestration ample et déchirée, où les violons valsent avec les silences, Warda déclame son renoncement avec une intensité quasi théâtrale : « Tu as été injuste envers mon cœur, et tu dis que tu es innocent. » Pas besoin d’effets, ni d’artifices : sa voix, immense, suffit à tout emporter.
Et pourtant, plus de trente ans après sa sortie, « Haramt Ahebak » continue de renaître dans les clubs et les sets des DJs les plus aventureux. Repris en version afro-house par Lazy Flow ou en vogue beats par Aymoune, le morceau s’habille de nouvelles textures sans jamais perdre son âme. Car derrière le drame, il y a une icône, une survivante, une voix dont les fêlures parlent encore aux cœurs fracassés de Beyrouth à Marseille, du Caire à Paris. Warda ne meurt jamais : elle revient, remixée, samplée, adorée.
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Ernesto Djédjé « Oyeno » : l’élégance rebelle du ziglibithy ivoirien // Côte d’Ivoire
Dans la constellation des pionniers du groove africain, Ernesto Djédjé brille comme un météore aux couleurs du ziglibithy. Inventeur d’un genre hybride né de la transe traditionnelle bété et des influences soul, funk et rumba, Djédjé enflamme les pistes ivoiriennes dès les années 70. Et « Oyeno », sorti en 1977 sur l’album « Le Roi du Ziglibithy », est l’un de ses éclats les plus lumineux. À la fois plainte amoureuse et déclaration de style, le morceau fait dialoguer guitares virevoltantes, cuivres chaloupés et rythmique syncopée. La voix d’Ernesto, posée et fiévreuse, y raconte l’errance et l’attachement, l’éloignement et le retour. Une chanson comme une transe douce, où le spleen se danse jusqu’à l’oubli.
Mais « Oyeno » n’est pas qu’un tube à faire tourner les hanches — c’est aussi un manifeste. À une époque où la jeunesse ivoirienne oscille entre Paris, Abidjan et Harlem, Ernesto Djédjé propose une voie proprement africaine, enracinée et tournée vers l’avenir. Le ziglibithy, c’est l’art de faire vibrer les traditions sans les figer, de rendre hommage aux ancêtres tout en électrisant les corps. Dans « Oyeno », comme dans le reste de sa trop courte discographie, Djédjé impose une esthétique fière, élégante, à mille lieues des caricatures folklorisantes.
Etoile de Dakar « Mane Khouma Khol Thi Yao » : le mbalax met Dakar en transe // Sénégal
Avant que Youssou N’Dour ne devienne le porte-voix d’un continent, il y avait L’Étoile de Dakar, ce creuset incandescent où s’inventait une nouvelle manière de faire danser le Sénégal. Avec « Mane Khouma Khol Thi Yao », le groupe emmené par un tout jeune Youssou mêlait la rugosité wolof du mbalax aux guitares électriques héritées de la rumba congolaise et des clubs dakarois. C’est brut, incandescent, frontal : une déclaration d’amour sans filtre, criée plus que chantée, dans la langue du cœur et du quartier.
Ce morceau, c’est l’écho d’un pays en pleine mutation, où la tradition se frotte aux rêves d’émancipation urbaine. Derrière les tambours sabar et les guitares distordues, on entend déjà le souffle d’un géant en devenir, et le style flamboyant qui allait redessiner les contours de la pop africaine. « Mane Khouma Khol Thi Yao », ce n’est pas juste une chanson, c’est un moment d’histoire : celui où la rue entre en studio, et où Dakar s’imagine reine des ondes.
Stella Chiweshe « Chachimurenga » : Mbira de combat et danse des esprits
Au croisement du rituel et de la révolte, « Chachimurenga » de Stella Chiweshe est bien plus qu’un simple morceau : c’est une incantation envoûtante, une transe de mbira qui invoque les ancêtres et les combats passés. Connue comme la « reine de la mbira », Stella Chiweshe a fait de cet instrument sacré un chant de liberté, un appel à la mémoire et à la résistance. « Chachimurenga », littéralement « le combat », résonne comme un souffle venu du Zimbabwe profond, où la spiritualité shona épouse les luttes anti-coloniales dans une même vibration hypnotique.
Sorti à une époque où la voix des femmes était encore trop souvent mise sous silence dans les traditions musicales d’Afrique australe, ce morceau impose une force douce, une énergie circulaire qui transcende les carcans. En arrière-plan, les battements de la mbira martèlent comme une pluie d’étoiles sur une terre rouge, pendant que la voix de Stella serpente, mystique et lumineuse. « Chachimurenga », c’est une guérilla sonique qui ne tue pas, mais qui guérit ; un combat intérieur autant qu’un manifeste ancestral.
Djolo – La Classique :
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