Avant que l’amapiano ne devienne l’étendard sonore de toute une génération, bien avant que le gqom ne fasse trembler les murs de Durban, un autre groove enflammait déjà les rues d’Atteridgeville, township satellite de Pretoria : la bacardi house. Un nom qui évoque autant la fête que la fureur créative, un son hybride, DIY, gorgé de kwaito, de house et de synth-pop, né dans les années 2000 sous la houlette de figures comme DJ Spoko — disciple de Nozinja et des transes shangaan electro — et porté par des autodidactes passionnés. DJ Dadaman, de son vrai nom Gift Mashaba, fait partie de ces pionniers discrets mais décisifs, artisans de l’ombre qui ont façonné la matrice du club sud-africain contemporain.
Ka Gaza, qui sort pour la toute première fois chez Nyege Nyege Tapes ce 25 avril, ressuscite cette époque en condensant toute la verve et l’avant-gardisme de Dadaman. Produit à l’âge d’or du bacardi avec son complice et chanteur Moses Masaba alias Moscow Dollar, le disque est un kaléidoscope de sons de township, de cris de fête et d’élans spirituels. Dollar chante en xitsonga, langue bantoue souvent reléguée aux marges, et y glisse des tranches de vie : espoirs, débrouilles, rituels, virées nocturnes. Pendant ce temps, Dadaman tricote des nappes hallucinées, injecte des claviers acides, déchaine des synthés Korg M1, fait claquer ses snares comme des bottes sur le béton.
Sur « Matlatsi », le morceau d’ouverture, la filiation avec le kwaito est évidente, mais Dadaman regarde ailleurs : vers Ibiza, Berlin, ou même l’héritage baléarique d’un « Sueño Latino » avec Manuel Goettsching. Sur « Munghana », les basses en saccade et les sifflets métalliques annoncent déjà le gqom. Et quand on atteint « Vangoma » ou « Nyoka », entre riffs xylophoniques et lignes de basse élastiques, on touche au cœur du projet : faire danser, mais aussi faire mémoire.
Ka Gaza, c’est un pont. Une capsule temporelle qui relie les raves artisanales d’Atteridgeville à l’actuelle explosion mondiale des sons sud-africains. Un disque essentiel, à la fois racine et feu follet, qui prouve que l’histoire du club africain s’écrit aussi à coups de CDR gravés dans des chambres sans matelas.
DJ Dadaman & Moscow Dollar – Ka Gaza :
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