Quand la fureur urbaine de New York rencontre les traumatismes collectifs de Katmandou, cela donne Jhyappa, le nouvel album explosif de Chepang, fraîchement sorti chez Relapse Records. Mais attention, ici, pas question de grindcore à l’ancienne ou de hardcore aseptisé : Chepang forge son propre genre — “immigrindcore” — une alchimie brutale où les cris de l’exil, les beats industriels et les samples de pop népalaise se mélangent dans un bain d’acide. Plus qu’un style, c’est une posture politique, un exutoire spirituel, une claque sonore.
Chepang, c’est d’abord une diaspora : celle de jeunes Népalais installés dans le Queens, qui ont troqué les temples de Swayambhunath pour les sous-sols de Brooklyn. Leur rage, viscérale, n’est pas que celle des damnés du grind. Elle est celle d’une génération coupée entre deux mondes, balancée entre l’Amérique et le Népal, entre la brutalité du quotidien et la recherche d’un soi profond. Jhyappa parle de ça : d’auto-immolation, mais non pas en signe de protestation politique ou religieuse — ici, il s’agit d’une purification intérieure, d’une confrontation radicale avec ses propres ténèbres. Se consumer pour se sauver.
Musicalement, Chepang revient à l’essence : neuf titres pour moins de vingt minutes de chaos pur. Un retour aux origines du groupe, à l’époque du culte Lathi Charge (2016), mais dopé au métal, plus lourd, plus crasseux, plus frontal. Les blasts sont là, les guitares s’effondrent comme des immeubles en feu, les voix arrachent la chair et les nerfs. On pense à Napalm Death, à Discordance Axis, mais aussi à un cri ancestral échappé des gorges de l’Himalaya.
Le graphisme signé Masato Chaos évoque un homme en flammes, mais c’est l’auditeur qui brûle. Car Jhyappa n’est pas seulement un album. C’est un rite de passage. Un miroir tendu à ceux qui vivent entre deux cultures, deux enfers, deux silences. Un manifeste pour les identités métissées, pour les damnés de l’asphalte new-yorkais et les fils oubliés de la vallée de Katmandou.
Chepang ne fait pas de concessions. Et c’est tant mieux. Avec Jhyappa, ils nous rappellent que la colère peut être sacrée, et que même au fond du chaos, il reste un chant. Brisé, mais vivant.
Chepang – « Parichaya 2.0/Shakti (Force) » :
Chepang – Jhyappa :
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