Ernesto Dj​é​djé, le Roi Du Ziglibithy brille chez Analog Africa

À l’heure où les Britanniques enterrent une reine, le label Analog Africa a eu la bonne idée d’aller déterrer un roi, et pas n’importe quel roi, Ernesto Djédjé, le roi du Ziglibithy ! Et, ne criez pas trop vite au sacrilège, il n’a pas fallu creuser bien profondément dans la terre de l’Ouest ivoirien, pour retrouver la musique de ce géant de la musique ivoirienne, qui, à vrai dire, n’a jamais été oublié.

Faut dire que sa musique est inoubliable, et plus que d’avoir sorti des tubes qui ont fait danser les Ivoiriens dans les années 70, Ernesto Djédjé a imprimé une empreinte indélébile dans le paysage musical ouest-africain… Mais avant d’aller plus loin, il s’agit de commencer par le commencement !

À la moitié des années 60, le jeune Ernest Djédjé, déjà formé depuis son plus jeune âge aux rythmes et mélodies du tohourou, la musique traditionnelle bété, tourne dans la région de Daloa avec son groupe Les Antilopes, et, malgré son jeune âge, et le caractère quelque peu amateur de son groupe, il tape dans l’œil d’un autre musicien originaire de la région, et déjà reconnu sur la scène nationale, Amédée Pierre. Celui-ci le prend dans son orchestre, l’Ivoiro Star, dont il deviendra rapidement l’un des membres clés. C’est pourquoi lorsque Ernesto, à la fin des années 60 décidera de quitter le groupe, et même le pays, pour aller en France, sans en avertir son mentor, cela ouvrira un conflit durable entre les deux hommes que rien ne réconciliera.

Mais peu importe, en 68, Djédjé découvre la France, en même temps qu’il poursuit des études d’informatique, il se met à frayer avec les musiciens ivoiriens et africains qui égrainent dans les rues et les studios français. Ainsi il rencontre un certain François Lougah, dont la légende continue d’illustrer encore aujourd’hui les chansons de coupé-décalé, mais aussi le guitariste Anouma Brou Félix, et aussi, et surtout, le Camerounais Manu Dibango ! Et s’il a enregistré quelques 45 tours en France, principalement inspiré par la musique occidentale, le funk, le disco, la soul… c’est à son retour en Côte d’Ivoire que les choses sérieuses commencent pour Djédjé.

Convaincu par la nécessité de revisiter le terroir musical ivoirien avec ce regard nouveau qu’il a acquis lors de son voyage en France, Ernesto Djédjé entreprend de distiller un peu de funk, un peu de makossa, un peu de paillettes et de disco aussi, dans ces fameux rythmes et mélodies du pays bété, le tohourou. C’est ainsi qu’il crée un genre nouveau, le Ziglibithy !

Capable de faire rouler les « gl », et de faire claquer les « gb », propre à la langue bété, comme personne, fort de sa musique nouvelle, qui répond autant aux aspirations de modernité, que d’ivoirité de la jeunesse ivoirienne, mais aussi passé maitre dans l’art distiller dans ses textes de la poésie, ou des messages à caractère sociaux, Ernesto Djédjé a tout pour conquérir le marché national, et même africain. Alors quand il rentre de Lagos, où il découvre Fela et l’afrobeat, avec sous le bras son tout premier 33 tours, produit par Gbadamassi Raimi, le propriétaire de l’incontournable label ivoirien Badmos… le succès est immédiat !

Surtout que l’on trouve sur ce disque, Vol. 1 Gnoantre dans Zibote, ce fameux tube, qui reste jusqu’à aujourd’hui une des plus grandes et des plus célèbres chansons ivoiriennes, « Ziboté » !

Et si vous ne connaissez pas cette chanson mythique… l’on ne saurait que vous conseiller d’aller la découvrir au plus vite ! Car, avec cette jolie petite rétrospective des œuvres de Djédjé que Analog Africa va sortir ce 7 octobre, pas question de ressassé une fois encore un ziboté de trop ! Oui, Analog Africa a décidé de nous offrir une habile sélection de chansons issues de disques postérieurs, Le Roi Ziglibithien, Golozo, Zouzoupale, ou encore de son tout dernier album, Tizere sorti en 1982.

Et si son dernier album est sorti en 1982, c’est qu’Ernesto Djedje est décédé à l’âge de 35 ans dans des circonstances tragiques et encore aujourd’hui mystérieuses, l’année suivante, en 1983. De retour du Burkina, le roi Ziglibithy est mort, à Yamoussoukro, de ce qui semble être un empoisonnement. D’aucuns accordent cette mort à un sort lancé par Amédée Pierre, qui nourrissait encore à l’encontre de Djédjé une rancœur profonde, d’autres, eux, accusent le parti au pouvoir, le PDCI, d’avoir planifié cet assassinat, après que Ernesto fut mis au courant d’on ne sait quel secret d’État. Le mystère persiste…

Ce qui est moins mystérieux c’est l’impact énorme qu’il a laissé sur la musique ivoirienne, avec son ziglibithi tradi-moderne qui a su inspirer bon nombre d’artiste et de courant musicaux à sa suite. Le zouglou, et le coupé-décalé qui en a découlé, ne cachent ni l’un ni l’autre leurs racines ziglibithienne. Alors, plutôt que le cercueil guindé qui caracole du côté de Westminster, préférez cette renaissance d’un roi, de Ernesto Djédjé, que nous offre ici Analog Africa !

Ernesto Dj​é​djé – Ernesto Dj​é​djé, le Roi Du Ziglibithy :

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