Adioa, le Toubab Bile, et les tirailleurs de Thiaroye

Avant de parler de l’histoire de Toubab Bile d’Adioa, merveilleux titre de reggae sénégalais paru en 1987, et qui revoit le jour grâce au travail d’Étienne Tron du toujours pertinent label Secousse, il s’agirait de parler d’une autre histoire, terrible celle-là, celle des tirailleurs sénégalais de Thiaroye.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’effort français fut soutenu, de grès ou de force, par des milliers de soldats venus des colonies, zouaves d’Afrique du Nord, tirailleurs indochinois ou malgaches, et, bien sûr, tirailleurs sénégalais. Et, comme le dit le musicien sénégalais Maxidilick Adioa dans les entretiens qu’il a eu avec Étienne Tron en marge de cette réédition, « La liberté dont jouissent les Français depuis la Seconde Guerre mondiale a été acquise à la sueur et aux larmes de ces soldats africains ». Et à la fin de la guerre, plutôt que d’honorer tous ceux qui se sont battus pour la libération, les autorités françaises ont décidé de rapatrier toutes les troupes coloniales combattantes vers leurs pays d’origine pour « blanchir » l’armée française. Parmi ceux-là un groupe de 1600 soldats venus d’un peu partout en Afrique de l’Ouest furent ramenés au Sénégal, et encasernés dans le camp de Thiaroye, non loin de Dakar. Les soldats, évacués du pays pour lequel ils ont combattu, sortis de la photo de famille finale, et en plus de ça pas encore payés, commencèrent à s’agiter, pour réclamer leurs soldes. Les généraux Dagnan et De Boisboissel décident de faire un exemple pour mater cette gronde, et rassemblent tout le contingent dans la cour du camp Thiaroye, le matin du 1er décembre 1944. Les tirailleurs pensent pour beaucoup que ce rassemblement signifie qu’ils vont être payés, au lieu de cela ils se retrouvent encerclés par des gendarmes, des artilleurs, des automitrailleuses, et même un char. Les premiers tirs partent, c’est un massacre.

Voilà, pour ce qui est de l’histoire qui inspire Max Adioa dans la création de son « Toubab Bile », d’ailleurs le toubab en question, le blanc en argot sénégalais, n’est autre qu’Adolf Hitler, contre qui se sont battu tous ces tirailleurs sénégalais. Pour la forme, il faut dire qu’Adioa vivait à l’époque à Paris, qu’il était un maître percussionniste reconnu, qui tournait régulièrement avec un certain Alpha Blondy, que peu de temps avant cet enregistrement il avait écrit la chanson « Nao » pour la chanteuse guinéenne Aminata Fall. C’est donc naturel qu’il ait voulu tenter l’aventure en solo avec ce « Toubab Bile ». Réunissant ses économies il a payé l’enregistrement et le mixage de sa poche, dans le petit studio du 11ème arrondissement de Paris, de l’ingénieur du son hongrois Banas Leszek. Et, contre toute attente, le titre distribué par Safari Ambiance connut un succès certain, et permit à son auteur de signer un contrat avec le label Island Records d’un certain Chris Blackwell.

Adioa – Toubab Bile :

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