Au croisement des forêts sacrées du Mandé et des nappes électroniques de l’Occident, Siraba trace un sillon singulier, dense, palpitant. Le duo, formé par le chasseur-musicien malien Boubacar Samake et le producteur français Damien Vandesande (moitié du projet électronique dOP), livre avec Dâmba Kéle / Kôngô, qui vient de sortir chez Real World X deux titres incantatoires, où la mémoire des anciens vibre dans les basses fréquences du futur.
Ici, pas de fusion facile ni d’habillage folklorique : c’est une transmission brute, canalisée dans un présent aux allures de transe. Boubacar Samake n’est pas un chanteur comme les autres. Héritier direct de la lignée des donso, ces chasseurs initiés garants des savoirs cosmiques et écologiques du Mali, il porte la parole de son père, le célèbre Sibiri Samake, avec une gravité solaire. Son donso n’goni, cet instrument à six cordes réservé aux chasseurs, dialogue avec une voix rauque, incantatoire, qui semble jaillir des entrailles de la brousse.
Face à lui, Damien Vandesande déploie une matière sonore en clair-obscur : nappes analogiques, rythmiques telluriques, échos modulés. Mais là où bien des producteurs enfermeraient le chant traditionnel dans des carcans de club, lui écoute, épouse la forme, et construit une architecture mouvante, respirante, comme un prolongement naturel du souffle de Samake.
« Dâmba Kéle » est un appel : grave, profond, presque chamanique. Un rite d’ouverture où les tambours électroniques résonnent comme des tambours de guerre. « Kôngô », lui, s’élève dans une tension plus abstraite, presque cosmique, mêlant prières murmurées et infra-basses ondulantes, dans une sorte de cérémonie astrale où les corps et les esprits trouvent un terrain d’entente.
La musique de Siraba ne cherche pas à plaire, elle cherche à réveiller. À rappeler que l’homme fait partie d’un tout, que les forêts parlent, que les ancêtres dansent encore, et que les machines aussi peuvent prier.
Avec ce double titre enregistré dans le mythique Writing Room de Peter Gabriel, Siraba confirme qu’il ne s’agit pas d’un projet d’habillage sonore, mais d’un véritable dialogue d’égal à égal entre deux mondes, entre une musique millénaire et les fréquences du XXIe siècle.
Siraba – Dâmba Kéle / Kôngô :
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