La Classique, l’Africa comme hymne

Cette fois, c’est l’Afrique qui tient le micro. Pour cette nouvelle édition de La Classique, on a mis le mot-clé sur la carte : Africa. Pas une Africa fantasmée depuis Paris ou Harlem, non, l’Africa brute, brûlante, rugueuse, transcendante. Celle de Salif Keita qui déclame son amour-panique pour le continent en 1995. Celle de Gyedu Blay Ambolley qui te balance du jazz-funk ghanéen sans vaseline. Celle de Tuku qui chuchote à la mémoire des peuples comme un griot fatigué, mais lucide. Et celle de Djédjé, de Kallé, de tous les autres, qui dansent comme on résiste. Une playlist pour se souvenir que la musique africaine n’a jamais été une annexe, c’est le socle. Le cœur. L’origine.

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Salif Keita « Africa », un hymne panafricain que personne n’avait encore osé chanter // Mali

Sorti en 1995, « Africa » de Salif Keita sonne comme un hymne panafricain que personne n’avait encore osé chanter avec autant de ferveur — ni les présidents, ni les poètes, ni les popstars. C’est un morceau qui déborde de fierté, de douleur, et de lucidité, où chaque note porte la mémoire d’un continent fracturé, mais jamais brisé. Salif y convoque l’Afrique dans toute sa complexité : du Nil au fleuve Congo, des bidonvilles aux palais, des déroutes politiques aux transes mystiques. Avec ses arrangements limpides et son souffle épique, « Africa » se dresse comme une déclaration d’amour et de guerre à la fois, une prière sous tension adressée à une mère patrie trop souvent trahie, mais jamais oubliée. En six minutes, Salif Keita signe un manifeste musical — à la fois doux et tranchant — qui transcende les frontières et rappelle que le panafricanisme ne se rêve pas, il se chante.

Gyedu-Blay Ambolley « Brokos », la voix rocailleuse du parrain du jazz-funk ghanéen // Ghana

En 2019, alors que certains rêvaient encore d’un retour du highlife, Gyedu Blay Ambolley leur a claqué “Brokos” dans les oreilles comme un rappel à l’ordre cuivré. Tiré de l’album 11th Street, Sekondi, le morceau déroule son groove à l’ancienne comme un tapis rouge pour la voix rocailleuse du parrain du jazz-funk ghanéen. Ça sent le soufre, la sueur, les balles perdues entre deux riffs de sax, et le sarcasme d’un vieux briscard qui n’a jamais mâché ses mots. Ambolley, c’est un peu comme un James Brown qui aurait grandi à Sekondi et préféré le bissap au bourbon : même énergie, même rage élégante, mais en pagne et avec un fufu bien chaud. “Brokos” ne court pas après le temps — il l’épuise en dansant.

Oliver Mtukudzi « Rirongere », un hymne à la persévérance, un appel à ne jamais édulcorer l’histoire // Zimbabwe

Sorti en 1998 sur l’album Tuku Music, “Rirongere” d’Oliver Mtukudzi, c’est du grand art zimbabwéen qui ne badine pas avec la poésie ni la gravité. Avec sa voix rocailleuse, Tuku impose un message universel sur le temps qui passe et la mémoire collective ; un mélange entre confession intime et sermon public. Les guitares tintent comme des cloches fatiguées, les percussions respirent comme un vieux village à l’heure du soir, et la basse ondule comme pour ne pas oublier. “Rirongere”, littéralement “Souviens-toi demain”, c’est un hymne à la persévérance, un appel à ne jamais édulcorer l’histoire, même si elle pique. Un morceau qui tient autant de la leçon de vie que du charme irrésistible du conteur moderne, capable de faire vibrer tout un continent, sans jamais forcer le trait.

Ernesto Djédjé « Azonadé », voilà, le ziglibithy souverain // Côte d’Ivoire

Fin des années 70, Abidjan bouillonne, les maquis sont pleins, les politiques dansent en douce, et Ernesto Djédjé frappe fort avec “Azonadé”. Un morceau incandescent, extrait d’un 45 tours devenu légende, où le roi du ziglibithy claque des riffs comme on claque des vérités. Entre les guitares nerveuses et les cuivres tapageurs, Djédjé scande l’unité, la fraternité, et ce groove irrésistible qui fait trembler du Plateau d’Abidjan jusqu’à Bouaké, en passant par forêt de l’ouest ivoirien. Pas besoin de parabole : “Azonadé” te parle direct, comme un griot funkifié enragé contre l’inertie. Et derrière les sourires et les pas de danse, y a ce souffle insoumis, cette chaleur politique qu’on maquillait en fête. Voilà, le ziglibithy souverain.

Grand Kallé & l’African Team « Kokoko… Qui est là? », un classique signé par un monument et sa dream team panafricaine // RDC, Congo Brazza, Cameroun, Cuba

Sorti en 1970, « Kokoko… Qui est là ? » n’est pas juste une rumba : c’est un manifeste, une relance, un « knock knock » envoyé par Grand Kallé pour rappeler à tous qui tient encore la baraque. Après avoir régné sur les années 60 avec l’African Jazz, le père fondateur de la rumba congolaise convoque à Paris l’African Team, un all-stars band à géométrie variable où se croisent Joseph Mulamba, Jean-Serge Essous, Casimir Mbilia, Edouard Lutula, Jean Kwami Munsi… et un certain Manu Dibango, qui passe du saxophone à l’orgue comme on change de calibre. Pour la touche caraïbe, Kallé s’offre même les services du flûtiste cubain Don Gonzalo : la rumba s’habille de charanga, le pachanga flirte avec le chaos, et les boogaloos s’enflamment. Le groove est gras, fiévreux, bissapeux, impeccablement exécuté. On navigue à vue entre Brazzaville, Matongé et La Havane, le torse bombé de fierté, les oreilles pleines de musiques. Et quand Kallé pose ce « Kokoko… Qui est là ? » comme une question en apparence anodine, c’est tout un continent qui répond : « C’est nous. Et on n’a jamais quitté la piste. » Un classique, un uppercut, un rappel à l’ordre signé par un monument et sa dream team panafricaine.

Djolo – La Classique :

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