Alune Wade, ou l’itinérance d’un Sultan du jazz

L’histoire d’Alune Wade et de son cinquième album, Sultan, commence au Sénégal, c’est celle d’un gamin de Dakar qui aimait un peu trop Weather Report, tellement, qu’il a marché dans les pas de son bassiste, un certain Jaco Pastorius, à part que, ne partant pas de Pennsylvanie, son itinéraire allait être tout autre ! Pris sous l’aile d’Ismaël Lo, il commence à tourner avec le haut du panier de la musique sénégalaise et africaine, côtoie les plus grands de Youssou N’dour à Cheikh Tidiane Seck, avant de débarquer à Paris en 2004. Il y rencontre le chanteur marocain Aziz Sahmaoui, et rejoint son University of Gnawa, puis très rapidement, en solo, ou en groupe, il devient l’un des noms incontournables lorsqu’on parle de jazz et de basse. Au fil de ses albums, on retrouve toujours cet aller-retour permanent entre l’influence de ces grands noms du jazz qui l’ont bercé (et avec qui il a eu, pour certains, la chance de jouer, comme Joe Zawinul ou Marcus Miller), et cet attachement, cet enracinement dans la tradition sénégalaise, et même, plus largement, africaine.

Et c’est cette itinérance que nous raconte Alune Wade avec ce nouvel album. Tel un Sultan des temps anciens, ceux où l’empire mandingue ne se cachait pas encore derrière l’ombre d’un compositeur allemand, et pouvait compter sur ses fameux clans de chasseurs (à qui il rend d’ailleurs hommage sur le titre « Donso »), il erre sur les terres d’Afrique et part pour un pèlerinage, non pas tourné vers la Mecque, comme l’on fait les grands Empereurs et sultans du Mali, mais vers les hauts lieux de la musique africaine.

Ainsi, il parcourt la Teranga sénégalaise, joue avec les rythmes du sabar et du mbalax, il laisse tournoyer sa basse au côté d’une flûte peule, met en musique les épopées séculaires, traverse le grand Sahara et la Mauritanie de Noura Mint Seymali, et va poser ses bagages en Afrique du Nord. Au Maroc, bien sûr, terre de son ami Sahmaoui, mais aussi, et surtout en Tunisie, lieu angulaire de cet album, où, grâce à la résidence artistique de l’Institut Français de Tunisie, une résidence sur laquelle plane l’ombre de Carthage et de Flaubert, et pour cause, car elle porte le nom de Salammbô, il se plonge dans la pluralité des musiques tunisiennes, celles des campagnes, comme celles des villes, aussi celles des anciens esclaves et des maîtres soufis, il y rencontre des artistes comme le chanteur Mounir Troudi qui s’invite presque naturellement sur le disque, ou la photographe Hela Ammar, qui signe les très beaux visuels de la pochette et du livret. Puis il repart vers l’Est… calmez-vous les musulmans, peut être que le temps du hajj viendra pour Alune, mais cette fois-ci ce sont les hauts plateaux éthiopiens qu’il vise, ceux de la reine de Saba, et des songes les plus « Uthiopic »…

En fait si l’on peut résumer cet album, disons que ce n’est pas l’album d’un bassiste (amateurs de rondeurs graves, rassurez-vous, il y a tout de même de beaux passages, tant dans les mélodies que dans le mixage, réservés à la basse), c’est l’album d’un compositeur accompli qui s’est affranchi des pièges dans lesquels des plus novices auraient trébuchés, c’est l’album d’un africain qui tend à embrasser son héritage, et il s’en dégage un grand sentiment de liberté et de sérénité. Reste à savoir maintenant si cette liberté est celle de l’itinérance d’un vrai Sultan, ou celle d’un fou qui se rêvait Sultan alors qu’il n’était que poète… réponse ce 20 mai prochain avec la sortie de l’album, et dans les semaines qui suivent sur scène, en Afrique (Sénégal, Guinée, Maroc, et Tunisie), puis en Europe !

Alune Wade – « Portrait de Maure ft. Noura Mint Seymali » :

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