L’idée de cet article m’est venue longtemps après une discussion que j’ai eue avec une amie portugaise, dont les parents sont originaires du Cap-Vert :
Elle : « tu sais, pendant mon adolescence et même maintenant, je n’ai jamais vraiment su à quelle « tribu » m’identifier, parce que j’ai grandi dans une ville majoritairement blanche, donc mon style vestimentaire et mes goûts musicaux ne correspondaient pas forcément à ceux des autres Noir.e.s du Portugal »
J’ai une grande admiration pour le style vestimentaire de mon amie et je dois confesser qu’il m’arrive parfois, pendant mes heures d’ennui au travail, de surfer sur des sites internet qui traitent de mode et de musique (je sais que je devrais travailler au lieu de passer mon temps sur Google images, mais que celui ou celle qui n’a jamais péché me jette la première pierre).
La remarque de mon amie m’a donc fait me souvenir de photos que j’avais aperçues lors de mes sessions de flânerie en ligne, où s’affichaient de jeunes Noir.e.s arborant fièrement des styles vestimentaires et capillaires qui correspondaient exactement au style de mon amie.
Avec la fierté de la scientifique qui vient de faire une découverte capitale pour l’avenir de l’humanité, j’ai donc affirmé à mon amie, d’un air triomphant « Ne cherche plus, tu es Afropunk ! ».
Afropunk, Afro-punk, Afro et punk, en voilà deux mots que beaucoup n’associeraient mais qui pourtant ne sont pas du tout opposés. Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Le mouvement afro punk est né aux USA d’une volonté de prouver que les Noir.e.s pouvaient aussi être producteurs et amateurs de musique Indie/Rock/ Punk/Hardcore et qu’ils/elles n’étaient pas génétiquement conditionné-e-s à aimer le Rap, le Hip hop, le R’n’b , le Funana, le Zouk, le Coupé décalé, le M’balar, le–rajoute le nom de la musique noire de ton choix-.
En faisant des recherches sur le sujet, je suis tombée sur plusieurs témoignages comme celui de cette jeune femme, fan absolue de Kurt Cobain pendant son adolescence, dont les ami.e.s disaient qu’il n’était pas normal pour une Noire d’aimer le rock ; ou encore celui de ce jeune homme, qui était l’un des seuls Noirs dans les concerts de Punk/Rock de sa région. Ceci interpellait les autres personnes présentes, qui lui demandaient s’il était le videur, car il leur paraissait inimaginable qu’un noir puisse aller à ce genre de concerts.
Ces sympathiques personnes devaient ignorer comme beaucoup de gens, que le Rock ‘n’roll (duquel descendent tous les styles de musique cités ci-dessus) est une musique noire. Alors pourquoi est-ce que ce style de musique est-il devenu avec le temps une musique «de blanc.h.e.s», à tel point que les Noir.e.s aimant cette musique sont vu.e.s comme des curiosités ?
Le Rock est né dans la communauté noire du sud des Etats unis dans les années 1950. D’ailleurs, à cette époque, Elvis Presley (qui est toujours considéré comme l’une des plus grandes icônes du Rock) était perçu comme un suppôt du diable car c’était un Blanc qui faisait de la musique noire, en remuant ses hanches de façon obscène, et qui plaisait aux Blanch.e.s ET aux Noir.e.s ! Les ségrégationnistes en faisaient des cauchemars.
Jusque dans les années 1970, le rock n’était associé à aucune communauté en particulier, j’en prends pour exemple le légendaire Jimmy Hendrix. Mon ami Jimmy faisait de la musique destinée à tous, d’ailleurs son groupe n’était pas racialement ségrégé, une exception pour l’époque. A un moment de sa carrière, Jimmy a d’ailleurs été critiqué pour n’avoir pas assez de Noir.e.s dans son groupe, cette époque correspond à l’avènement du mouvement des droits civiques et du mouvement des Black Panthers qui prônaient le « Black Power ». A partir de ces années-là, le Rock a commencé à être considéré comme une « musique de blanc.h.e.s » et la communauté noire s’est mise à produire d’autres styles de musique comme le Funk, le Disco et plus tard le Hip Hop, le Rap et le R’n’b.
Voilà comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle, où des personnes noires traversent des crises existentielles car elles n’aiment pas exclusivement les musiques étiquetées comme « musique noires ». Percevant l’absurdité de la situation, Matthew Morgan et James Spooner, ont décidé de produire le film/documentaire à succès « Afropunk » sorti en 2003 et dont le sujet est la scène Punk noire aux Etats-Unis. Ce film/documentaire a ensuite évolué en un mouvement alternatif incluant de la mode, de la photographie, de l’art et beaucoup d’autres choses encore ; dont le point culminant est un festival de musique qui a lieu tous les ans depuis 2005.
Au-delà d’un festival auquel participent des personnes de toutes origines ethniques qui se retrouvent dans ce mouvement, Afropunk est également un mouvement qui lutte à sa manière pour les droits civiques des Noir.e.s aux Etats-Unis.
En plus de l’aspect revendicatif, ce qui m’enchante à propos de ce festival, ce sont les tenues plus Afro-hisptero-funko-punko-colorées qu’arborent avec fierté les festivalier.e.s, comme pour crier au monde « Je peux être ce que je veux ».
Prends donc déjà tes billets, mais tes billets d’avion seulement car le festival lui est gratuit (n’est-ce pas merveilleux ?). La prochaine édition aura lieu les 22 et 23 aout 2015 à Brooklyn, New York.
Alors, qu’aura-t-on appris aujourd’hui ?
- Le rock est AUSSI une musique noire.
- Tu peux aimer et faire la musique que tu veux, peu importe le degré de mélanine présent sur les couches supérieures de ton épiderme.
- Surfer sur le net au lieu de travailler peut t’apprendre des choses très intéressantes ! (Mais assure toi de ne pas te faire prendre par ton/ta boss)
Sur ce, je te laisse avec une sélection de petites douceurs pour les oreilles :
Pour aller plus loin :
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[…] c’est en 2012, en marge du festival Afropunk Fest (pour en savoir plus, consulté notre super article sur le mouvement Afropunk), où le designer nigérian Seye Ogunlesi vendait, presque à la […]
[…] en 2012, en marge du festival Afropunk Fest (pour en savoir plus, consultez un super article sur le mouvement Afropunk), où le designer nigérian Seye Ogunlesi vendait, presque à la […]