Perfect Strangers de Lophae, jazz piquant et negative blues

Il y a cette sensation rare, presque mystique, que seuls les diggers connaissent : pas celle de dénicher un classique bien référencé, mais celle de tomber, par pure intuition, sur un disque inconnu qui bouleverse tout. Un trésor caché, encore vierge du bruit du monde. Perfect Strangers, premier album du quartet Lophae, évoque exactement cela. Une trouvaille précieuse, fragile et immense à la fois, où l’auditeur plonge dans une matière sonore mouvante, entre grooves familiers et explorations métaphysiques.

Ne vous fiez pas au titre : ces « étrangers parfaits » ne le sont que de nom. Car Greg Sanders, Ben Brown, Tom Herbert et Sam Rapley se connaissent depuis longtemps. Ensemble, ils jouent comme on respire : naturellement, instinctivement, sans jamais surjouer. Enregistré en live dans la moiteur chaleureuse du Fish Factory studio de Londres, en prise directe sur bande analogique 16 pistes, Perfect Strangers capte cette immédiateté-là. Celle d’un quartet en osmose totale, au service d’un jazz moderne nourri d’afrobeat, de highlife, de blues fantomatique et de rêveries harmoniques.

Les guitares de Sanders tournoient, envoûtantes, parfois ondulantes comme une brise mandingue, parfois rugueuses comme un cri contenu. On sent l’héritage de Teotima, bien sûr, mais aussi celui des dancefloors de Lagos ou des syncopes brésiliennes. Le batteur Ben Brown, passé par les grooves éthiopiens de Mulatu Astatke, propulse le tout avec une énergie contenue, mais jamais bridée. Et c’est là que le disque décolle : dans cette tension permanente entre précision et dérive.

Les morceaux oscillent entre élégance mélodique et plongées dans l’inconnu. Sur « Fallout », la batterie fourmille tandis que les harmonies restent aériennes. Sur « Perfect Strangers », tout tangue et glisse, entre jazz modal et fausse insouciance sentimentale. Et parfois, comme sur « Family Tree » ou « Greatfields », on touche à quelque chose de plus trouble : un « negative blues », un blues inversé, spectral, où la beauté vient du vide autant que de la note. Là où l’espoir vacille mais reste debout.

C’est un disque de contrastes. Sensuel mais cérébral. Dansant mais méditatif. Accessible mais résolument exigeant. En creux, il raconte aussi l’obstination de Greg Sanders, atteint d’une maladie chronique, l’encéphalomyélite myalgique, qui refuse de taire la musique qu’il porte. Une œuvre-résilience, où chaque note devient un acte de foi.

Avec Perfect Strangers, Lophae signe un premier opus fascinant, à la croisée des continents et des états d’âme. Un disque rare, dans tous les sens du terme.

Lophae – Perfect Strangers :

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