Bien sûr, pour parler de Mali Country, le nouvel album du joueur de ngoni malien Kandiafa, Abdoulaye Koné de son vrai nom, et le Django Reinhardt du Mali de son surnom, on pourrait tout de suite se jeter corps et âmes dans son premier EP de remix qui réunit autour de sa musique des grands noms de l’électro française, du genre celle qu’on nomme avec chic french touch, vous savez St Germain, Ghost of Christmas, Sébastien Forrester, ou le très panafricaniste crew Mawimbi. On pourrait aussi parler de la rencontre entre le jeune djeli malien et le percussionniste français et amoureux du Mali, Vincent Dorléans, ou de cette fusion unique que proposent les deux musiciens. Car si la parenté entre le blues et la musique malienne n’est plus à prouver, et que le Mali blues, le rock touareg et autres rock mandingue, sont rentré dans le vocabulaire courant de tout mélomane averti, Kandiafa, lui, expérimente une tout autre chose, la Mali Country. Et, oui, avec Kandiafa, la country, cette musique d’Américains avec stetson vissé sur le crane et santiags éperonnées au pied, cette musique qui sent le fuel, le whisky, et la bouse de vache, vient mêler ses saveurs aux odeurs acres du thé malien, aux ferments de la bière de mil, et aux transhumances des zébus bossus.
On pourrait de prime à bord parler de tout cela, c’est vrai, mais la vérité, c’est que pour aborder la musique de Kandiafa, il faut aussi s’enfoncer plus loin dans le country, le pays, il faut revenir à un Mali qui se maintient tant bien que mal, dans le modernisme à marche forcée, la crise économique, et les agressions islamistes. Un Mali qui s’accroche à sa terre et à ses traditions, qui s’enivre d’odeurs entêtantes, celles gorgées de cette fraicheur humide et sucrée, presque nauséeuse, que l’on hume sur les bords du fleuve — le fleuve Sénégal, qui passe à Kayes, dans la région natale de Abdoulaye Koné — celles chaudes du charbon ardent qui attend de recevoir la petite théière dans laquelle on prépare le thé, celles des fumées puissantes d’un feu de brousse lointain, celles plus proches et appétissantes de la viande de chèvre qu’on fait griller avec des oignons, et celles terreuses qui monte du sol la nuit tombée.
C’est dans cette nuit malienne que la silhouette mystérieuse, mystique, de Kandiafa fait son apparition. Longiligne, habillé de bogolan, et le corps entièrement peint de motifs anciens, il commence à jouer son Mali Country, et l’on ne sait plus trop ou l’on est, on se laisse porter des falaises de Bandiagara aux canyons des westerns de notre enfance, donc à vrai dire en fait ceux d’Espagne, d’ailleurs la musique, bande-son pour un rodéo africain se teinte parfois de flamenco et de jazz, de musique arabe et de bluegrass, on cligne des yeux et on ne sait plus trop si l’on voit Kandiafa dans sa tenue de maitre de la brousse, ou une grande faucheuse tout droit sortie du culte de la Santa Muerte mexicain…
Le pari est réussi, Mali Country de Kandiafa, dont la sortie est attendue le 11 octobre chez Sans Commentaire, nous transporte résolument vers d’autres cieux.
Kandiafa – « Kele Magni » :
Kandiafa – Mali Country (Remix) :
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2 Comments
[…] ce très bon et étrange disque de country malienne, celui du brillant ngoniste Abdoulaye Kone, dit Kandiafa. D’ailleurs après ce dernier opus des aventures maliennes de Sans Commentaire, les équipes […]
[…] l’étrange western de Kandiafa, les falaises qui enserrent de rougeoyants canyons deviennent des adrars et d’étranges dorsales […]