Bienvenue dans ce nouvel épisode de notre série « L’instant vinyl », cette rubrique dédiée aux pépites du passé, où nous dépoussiérons et partageons avec vous des disques qui ont marqué l’histoire de la musique. Et pour ce cent-huitième opus, nous quittons le Mali (cf. l’instant vinyle n° 108), pour nous rendre au Soudan, et y découvrir le disque Live In Addis Ababa – 1994 de Mohammed Wardi !
N’importe quel soudanais au monde peut jouer un disque ou une cassette de Mohammed Wardi et se laisser happer par la beauté de ses chansons. L’affirmation peut paraître présomptueuse, mais il faut dire que si l’on doit dresser un panthéon des artistes africains mythiques, le chanteur et compositeur soudanais aura sa place sans aucune hésitation au côté de Oum Kalthoum, de Fela Kuti, et de Miriam Makeba. Artiste prolifique dans les années 60 et 70, Mohammed Wardi a composé et magnifié parmi les plus belles mélodies, et les plus beaux poèmes arabes et nubiens. Et il fut une période où la simple évocation de son nom suscitait l’émoi, et ce, bien au-delà des frontières du Soudan.
Oui, qui n’a jamais entendu parler des histoires de stades remplis au Cameroun, et là on parle de remplissage à la camerounaise, genre 60000 personnes pas moins dans le stade, alors que pourtant personne ne comprenait les paroles en arabe des chansons de Wardi ! Qui n’a jamais entendu parler de ces Mauritaniens qui s’échangeaient avec précautions les cassettes de l’artiste. Qui n’a jamais entendu parler de l’histoire de ce malien, qui a quitté son pays natal pour un périple de plus de trois mois, marchant jusqu’au Soudan, pour demander un autographe à Mohammed Wardi… faut dire que le père de sa dulcinée, pensant se débarrasser du prétendant, lui avait dit qu’il lui accorderait la main de sa fille si jamais il lui ramenait ce dit autographe.
Oui, les histoires sont nombreuses autour de Mohammed Wardi, et toutes ne sont pas joyeuses comme celles-ci. Effectivement, chanteur mythique, mais aussi artiste engagé, militant au parti communiste soudanais, Mohammed Wardi a plusieurs fois fait des séjours dans les geôles soudanaises, autant qu’il a lutté contre les différents dictateurs qui se sont succédé au pouvoir. Oui, la poésie de Wardi, empreinte autant aux poètes anciens, aux mélopées amoureuses d’antan, qu’elle est aussi un phare pour la liberté des peuples. Alors quand Omar el Beshir est arrivé en 1989, dans un coup d’État, et qu’il a instauré une dictature militaro-islamique, Wardi a quitté le pays, il s’est réfugié en Égypte. Les années 90 furent compliquées pour lui, elles le furent aussi pour le Soudan. Et s’il a réussi a enregistré quelques chansons aux États-Unis, ou ce sublime album captation live, enregistré en trois jours à Addis Abeba, il faut bien le dire, Mohammed Wardi ne trouvera jamais le bon moment, ou plutôt le Soudan ne trouvera jamais le bon moment pour accueillir son retour.
Après avoir dédié sa vie à tenter d’accompagner, de sa voix et de sa poésie, les tortueux chemins de la paix et de l’unité au Soudan, il meurt en février 2012. Le Soudan est toujours déchiré, le peuple abandonné au milieu d’une guerre cruelle entre deux factions militaires.
Mohammed Wardi – Live In Addis Ababa – 1994 :
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