À Toronto, loin des rives parfumées du Levant, Kazdoura continue de tricoter des ponts entre la mémoire de là bas, de l’Orient, de Beyrouth et de Damas et le bouillonnement d’une diaspora qui écrit sa propre histoire à des milliers de kilomètres. Le duo arabo-canadien, composé par la chanteuse syrienne Leen Hamo et le multi instrumentiste canada-libanais Johnny Abou Chacra, dévoile Ghoyoum, son premier album studio complet, et pose une pierre essentielle sur la route sinueuse de l’indie arabe contemporain. Nourri de maqâms traditionnels, flirtant avec des volutes psychédéliques, des rêveries pop et des éclats de jazz, Ghoyoum est une odyssée sonore suspendue entre deux mondes, deux douleurs, deux espoirs.
Dans la lignée de leur premier EP Khayal, Kazdoura creuse ici encore plus profond : sous les arrangements caressés par des échos 70s — rappelant parfois le rock anatolien de Turquie —, émergent des thèmes viscéraux : l’exil, la perte, la santé mentale, les blessures invisibles des déplacements forcés. Chaque titre est une éclaboussure d’émotions, une chronique tendre et désabusée des peuples qui marchent sans carte, mais jamais sans souvenirs.
Sorti le 15 mars, date hautement symbolique qui célèbre à la fois les mouvements de contestation libanais et syriens, Ghoyoum est dédié aux réfugiés syriens, libanais et palestiniens, ainsi qu’à toutes les victimes de guerre. Un acte de mémoire autant qu’un cri d’amour pour ceux que les frontières blessent.
Parmi les éclats de cet album, « Hamool El Safar » évoque, en une taalila folk bouleversante, les paysages oubliés de l’Euphrate oriental. Plus loin, « Titi Titi » murmure la nostalgie d’un pays lointain, où le ciel se couvre de fumée et où les roses fanées dessinent la mélancolie des exilés, portée par un groove feutré et un saxophone au bord des larmes. Entre racines et vertige, Kazdoura signe avec Ghoyoum un disque-miroir : tantôt brumeux, tantôt incandescent, mais toujours vibrant d’une vérité qui dépasse les frontières.
Kazdoura – Ghoyoum غيوم :
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