Voilà quelques semaines déjà que le chanteur et écrivain camerounais Blick Bassy effeuille doucement et sensuellement les contours de 1958, un très bel album, son quatrième, par le biais de très jolis clips. Que peut-on dire de ce nouvel album qui vient de voir le jour chez le très bon label parisien Nø Førmat ?
S’il y a bien sûr un caractère éminemment politique et historique — son titre, 1958, faisant référence à la triste date du 13 septembre 1958, jour où l’armée française a assassiné, et outragé la dépouille de Ruben Um Nyobè, premier leadeur indépendantiste du Cameroun — on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression en l’écoutant, d’ouvrir un écrin luxueux et d’y découvrir l’on ne sait quelles joailleries précieuses. La voix de Blick Bassy est d’une clarté et d’un raffinement rare. Si, au fil des titres, le chanteur camerounais se plie volontiers à la tradition griotique, racontant l’histoire souvent méconnue de ces hommes qui ont lutté pour la liberté des Bassa, pour la liberté du Cameroun, et de l’Afrique, il n’emploie pour autant pas la scansion tendue des Maliens, mais tisse un drapé de voix subtiles, qui se croisent, s’entremêlent, s’imprègnent dans la très jolie trame instrumentale du disque, des voix qui se glissent derrière des arpèges de guitares, soulignent la saturation élégante d’un synthé, pleurent le long d’une basse, des voix qui se brisent sur une histoire douloureuse, puis s’envolent dans un ciel de trompette mélancolique, avant de s’abattre avec douceurs sur les rythmes du Cameroun, ceux de l’Afrique et de la Caraïbe. Ces voix… cette voix, celle de Blick Bassy.
Et tandis qu’on assiste le souffle coupé à ce fin travail de tissage, on découvre le motif qui au fur à mesure de l’album se dévoile. On découvre Ruben Um Nyobè, on découvre Félix Roland Moumié et Ernest Ouandié, ses camarades de luttes, on découvre la culture camerounaise, la culture bassa, on vibre, on ressent, on vit, cette époque des indépendances, bien plus que dans l’érection d’une statue monumentale trop chère, bien plus que dans une cérémonie convenue, dans un amphithéâtre d’une grande école. Puis, au-delà de l’histoire, au-delà de 1958, ce disque nous invite à regarder le présent, et, peut-être même à envisager l’avenir.
Blick Bassy – 1958 :
Blick Bassy – « Woñi » :
Blick Bassy – « Ngwa » :
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3 Comments
[…] grande beauté, O céu é velho há muito tempo, qui vient de paraître chez les Français de No Format!. Ici pas de fioritures, place à la voix, et aux voix, celle de Lucas, et celles de ses invités, […]
[…] chanteur et musicien camerounais Blick Bassy qui avait sublimé notre année 2019 avec la sortie de son album 1958, sur lequel il revenait musicalement, joliment, et ardemment sur l’indépendance de son pays, le […]
[…] le très cinématographique 1958 dédié à la mémoire du militant camerounais Ruben Um Nyobé, abattu par les Français en 1958, […]