Nicolas Repac nous ouvre les portes d’une prison… Fleury

Il faut bien avouer que quand on a vu débarquer le projet Fleury de Nicolas Repac dans notre boîte à lettres, on a eu quelques doutes, des préjugés même… En même temps, il faut nous comprendre, l’idée d’un album réalisé en prison, à Fleury Merogis, en donnant la parole à des prisonniers… l’idée est jolie, certes, mais au combien d’idées jolies dans le concept finissent en énormes bouses éclatées au pied d’un bac à disque de supermarché. Quoi ? Vous n’y croyez pas ? Regardez-y voir, le nombre incroyable de chansons qui sortent aujourd’hui en « soutien » aux gens du secours, ou à nos héros du quotidien…. sans viser personne hein ! Mais bon ça c’était avant d’écouter… ce Fleury qui vient de sortir avec le soutien du triumvirat Mix et Métisse/Jarring Effects/L’Autre Distribution.

« Oui, Madame ! / Il tourne, il tourne en des milliers de pas/ Qui ne mènent nulle part/ Dans un monde de béton, aux arbres de barreaux/ Fleuris de désespoir »

Trust – Le Mitard / Instinct de Mort – Jacques Mesrine

Voilà comment il y a 40 ans le groupe Trust ouvrait le Mitard de Jacques Mesrine… Aujourd’hui, les milliers de pas parcourus par tant de taulards, de matons, d’avocats, de militants, professeurs, les milliers de pas parcourus par Romain Lefrançois, alias Sollex, et le slameur Nëggus, qui ont initié le projet en encadrant des ateliers d’écriture à Fleury Merogis, les milliers de pas de la rappeuse Casey, marraine de l’ombre, et de Nicolas Repac architecte sonore du disque… tous ces milliers de pas nous mènent en fait quelque part, ils ouvrent un peu les barreaux, et font fleurir un peu de poésie dans ce monde de béton.

Oh, oui, bien sûr, cette poésie a le caractère de notre monde d’aujourd’hui, elle n’est pas teintée du gospel de l’expérience américaine similaire de Alain Lomax des années 50 et 60, et que Nicola Repac a gardée dans un coin de sa tête en mettant en scène ce disque. Dans cette poésie on sent poindre tout le monde du rap français, avec sa puissance, et son savoir-faire, celui qu’on apprend à l’école du micro d’argent, celui qui fout le halla avec toute la smalla dans la sono, celui dont la destinée se décide sur le détroit de Gibraltar, celui qu’on fourre dans un 504 break chargé, direction le bled…

Et de bled il en est aussi question ici. Dans ce disque qui oscille entre un striptease sonore presque documentaire, et un disque de hip-hop qui bien que parfois un peu bancal, parfois un peu inégal, transpire d’une authenticité poignante, les prisonniers, musiciens d’un jour (ou plus), Bandéé, The Notche, Bogota, Noxbé, Dayssou, Attilah, San-Go Jack, Azding, Abd, ou encore Saïï-Saïï, se livrent sans ambages, sans effets, parlent de leurs mères ou de la brutalité d’un monde qui les a conduits là où ils sont, et parfois des deux, parlent du manque, celui père comme celui du pays, abandonné là bas, dans la brume qui embellit les souvenirs. Ainsi Dayssou raconte sur fond de maezoud fantomatique, le parcours, la galère, qui l’a conduit de la banlieue d’Alger à la banlieue de Paris. Ainsi San-Go Jack, poussé par les mbira et les balafons de Repac, adopte le rôle d’un conteur africain sur « Petit Bocalin », pour nous raconter comment le Guyanais de naissance est devenu Gambien de cœur.

Porto Novo, Hydra, Vitry… les bleds s’enchaînent, les histoires aussi, les rêves naissants, les rêves brisés, les échappatoires et la confrontation du réel… les rappeurs, les musiciens, les poètes de ce Fleury s’offrent une bouffée d’air qui fait du bien, le temps d’un disque, et nous ouvrent les portes d’une prison de barreaux fleuris, fleuris pas que de désespoir.

Nicolas Repac & Collectif Fleury – Fleury :

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