Rootless, “sans racines” ? Quelle ironie. Parce que leur musique, elle, plonge les deux mains dans l’humus de traditions bien vivantes, et pas qu’un peu. Leur premier single, “Raki Taki Tanana”, c’est une traversée sonore qui débute dans les fêtes romani, là où les fanfares font gonfler les poumons, tourner les jupes et dégouliner les corps, et qui finit dans la frénésie d’un mariage pendjabi, où tablas et dhol vous martèlent les tempes comme une procession de dieux indiens surexcités.
Rien d’étonnant à ce trajet, d’ailleurs. C’est juste une remontée du fleuve, un retour aux sources. Car les Roms, avant d’essaimer à travers l’Europe et de faire danser le continent entier au son de leurs cuivres, viennent bel et bien de ces confins de l’Indus. “Raki Taki Tanana” n’invente pas une fusion exotique de plus, c’est une réconciliation historique, un fil tendu entre deux rives que l’histoire avait séparées, mais que la musique recoud sans demander l’avis de personne.
Sur le morceau, le groove est porté par la pulsation infernale du duo tabla–dhol (Sodhi et Prince aux commandes), qui installe une transe presque guerrière. Au-dessus, la guitare flamenco, le saxophone et la basse viennent ajouter cette touche romani, ce parfum de caravane en fête. Et puis il y a les voix de David et Karan, qui se croisent, s’interpellent, entre Romani et Hindi, comme si deux continents tenaient enfin la même conversation. La prod de Sarmad Ghafoor, elle, met tout ça au carré, sans polir à l’excès : on garde le grain, la sueur, le rugueux.
Le clip, lui, joue la carte du carnaval planétaire : saris chatoyants, danseuses qui font dialoguer kathak et flamenco, un band qui rayonne comme si chaque note était une célébration. Une vraie scène de rue, un festival vivant où les traditions se frottent, s’enlacent et se réinventent.
Pour un premier single, Rootless signe une pépite : ils ne sont peut-être pas enracinés dans un seul sol, mais ils poussent dans tous, et font éclore une musique qui ne connaît ni frontières ni nostalgie figée. “Raki Taki Tanana” n’est pas une curiosité world, c’est une claque festive, un pont sonore, et une promesse qu’on n’a pas fini de transpirer sur leurs beats migrateurs.
Rootless “Raki Taki Tanana” :
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