Il y a des labels qui creusent l’histoire musicale comme on fouille un site archéologique, et puis il y a Akuphone, qui déterre des trésors encore enfouis sous le silence des guerres et des dictatures. Avec The Golden Voice of Phnom Penh, 1962-1974, réalisé en partenariat avec le Cambodian Vintage Music Archive, c’est une première mondiale : jamais encore une compilation n’avait été dédiée à So Savoeun, l’une des voix phares du Cambodge des sixties. Une révélation, ou plutôt une redécouverte, d’un pan de la culture khmère dont nos oreilles africaines ou occidentales savent trop peu de choses.
Car Phnom Penh, avant les bombes, avant les Khmers rouges, c’était un bouillonnement. Une capitale qui vibrait autant aux sons des cuivres cubains qu’à l’énergie du rock, un creuset d’expérimentations sonores où les voix de Sinn Sisamouth, Ros Sereysothea, Meas Saman, et donc So Savoeun, régnaient sur les radios et les dancings. La jeune Savoeun y a sorti son premier disque en 1962, et sa voix s’est vite imposée : moins éthérée que ses consœurs, mais plus puissante, plus terrestre, une voix qui sonnait comme une cloche de cigale dorée (son surnom à l’époque).
Cette compilation la remet en lumière, avec des duos étincelants (avec Sisamouth, avec Meas Saman…), des titres où percent des accents cubains ou psyché californiens, et des morceaux plus ancrés dans les traditions cambodgiennes. On découvre une chanteuse capable de s’amuser en duo, de tenir tête aux voix les plus puissantes, de basculer entre sarawan traditionnel et groove électrique. Bref, une voix qui aurait dû marquer l’histoire mondiale de la pop si l’Histoire avec un grand H ne s’en était pas mêlée.
Car oui, derrière cette réédition, il y a la tragédie : exil en France via la Thaïlande en 1975, survie miraculeuse quand tant de ses pairs — Sisamouth, Saman, son mari, ses enfants — ont été broyés par la folie khmère rouge. Mais ce disque refuse le pathos. Il pulse, il danse, il vit. Savoeun, c’est la mémoire, mais c’est surtout une joie retrouvée, une énergie qui refuse de disparaître.
Avec cette compilation, on assemble enfin quelques pièces de ce puzzle musical cambodgien, longtemps piétiné par les bottes et les bombes. Et si vous pensiez que les années 60 n’avaient vibré qu’à Londres, Memphis ou Kinshasa, il est temps de réviser vos classiques : Phnom Penh brillait tout autant.
So Savoeun The Golden Voice of Phnom Penh, 1962-1974 :
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