Muluken Mellesse, le dernier éclat du Swinging Addis avant la nuit

Aujourd’hui, on accueille Muluken Mellesse With The Dahlak Band, fraîchement ressuscité dans la collection Ethiopiques Series du label Heavenly Sweetness. Nouveau venu dans cette famille de vinyles qui documentent un âge d’or avalé trop vite, il nous replonge au crépuscule d’une Addis Abeba encore vibrante, juste avant que la dictature du Derg ne vienne couler une chape de plomb sur toute la création, les musiciens, et même le silence. Un disque comme un dernier souffle, ou un dernier éclat de rire, avant que la nuit ne tombe.

1976 : là où les fleurs du Swinging Addis finissent de faner, Muluken, 21 ans à peine, chante encore comme si l’avenir avait de la place pour lui. Sa voix séraphique, si pure qu’on la prenait pour celle d’une femme, fend la pénombre politique comme une étoile contrariante. Et autour de lui, le Dahlak Band atteint sa pleine maturité, Tilaye Gebre aux arrangements, Shimelis Beyene qui fait parler la trompette comme un prophète fatigué, Dawit Yifru qui joue des orgues fiévreux à la limite du sacré, et même une apparition de Mulatu Astatke, venu déposer ses congas et son vibraphone comme on bénit un enfant avant la tourmente.

Ce disque, Kaifa Records l’a pressé au moment précis où tout se cassait la gueule : la liberté, les nuits, les clubs, les utopies. On est à quelques mois de la Terreur, et pourtant la musique, elle, ne tremble pas. Elle s’arme de grooves polis à la perfection, de riffs qui sentent encore la poussière des clubs de Woubé Bèrèha, et d’une sophistication que même les vinyles de Lagos ou Kinshasa regardaient du coin de l’œil.

Heavenly Sweetness, en rééditant ce LP monumental, ne fait pas qu’ouvrir un coffre oublié ; ils remettent à nu un pan entier de l’histoire abyssinienne que la cassette, l’exil et la répression ont tenté d’effacer. On retrouve là l’éclat d’un monde qui brillait de manière indécente, trop vivant pour survivre à l’ordre militaire. Et au milieu, Muluken. Sa voix, son élégance, son intensité tranquille. Le chant d’un oiseau sacrifié, mais dont l’écho continue de vibrer ; indomptable, fragile, urgent. Un disque-sépulture, un disque-phénix, un disque nécessaire.

Muluken Mellesse Muluken Mellesse With The Dahlak Band :

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