Mohamed Alassane Karzo, l’oublié que tout le monde fredonne

Dans les faubourgs d’Agadez, quand le vent du désert se fait plus doux et que la chaleur du jour s’évapore autour d’un thé bouillant, on sort les des chaises aux tissages fatigués, et on laisse les guitares s’accorder au murmure des voix, des silences, et des souvenirs. C’est là, au cœur de ces fadas – ces cercles d’amis et de sons – que Mohamed Alassane Karzo, alias Mohamed Petit, a bâti sa légende. Une légende discrète, transmise de téléphone en téléphone, de maison en maison, à travers les grains lo-fi du Bluetooth.

Avec l’EP Mafelawen, Karzo livre enfin une sortie officielle de deux de ses chansons les plus emblématiques : « Mafelawen » et « C’est La Vie », enregistrées à Niamey en 2012 dans une atmosphère intimiste et… débrouillée. Pas d’ampli, juste un vieux lecteur CD détourné pour amplifier la guitare, des murs pour renvoyer l’écho spectral, et cette voix – fragile, précise, suspendue. Une voix qui porte les cicatrices de la vie, mais qui ne plie pas.

Dans un paysage musical saharien souvent dominé par les guitares électriques et la frénésie des mariages, Karzo impose un autre rythme, une autre densité. Ses compositions se distinguent par des progressions d’accords complexes, et des textes profonds, à la croisée de l’intime et du politique. Il chante l’unité, la culture qu’on abandonne, les épreuves qu’on traverse sans faiblir.

Longtemps ignoré au-delà des frontières du Niger, Karzo a pourtant marqué de son empreinte une génération entière de musiciens. Beaucoup reprennent ses morceaux sans citer son nom, parfois même en les commercialisant. L’histoire de Mafelawen en est l’exemple criant : dérobée, réécrite, sortie sur un label sans jamais évoquer son auteur.

Mais dans les fadas d’Agadez, on n’oublie pas. On sait que derrière chaque chanson qui tourne, il y a peut-être une note, une douleur, une mélodie née sous les doigts de Mohamed Alassane Karzo. Avec la sortie de Mafelawen chez Sahel Sounds, c’est enfin son nom que l’on place en haut de l’affiche. Une réparation modeste. Mais essentielle.

Mohamed Alassane Karzo – Mafelawen EP :

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