On le connaît pour sa plume rêveuse et sa voix posée qui traîne entre Paris, New York et la diaspora soudanaise dont il est issu. Et pourtant, Bas, premier signé du label Dreamville de J. Cole, vient peut-être de franchir un cap artistique décisif. Avec Melanchronica, son tout nouvel album, il signe un disque à la frontière des genres, en collaboration étroite avec le duo anglais The Hics. Un projet qui flotte entre hip-hop contemplatif, jazz digital et rêveries électroniques. Un disque aussi intime qu’ambitieux, qui mérite de s’écouter comme on regarde le jour se lever après une nuit blanche.
Depuis Too High To Riot, où il collaborait déjà avec The Hics, Abbas Hamad a toujours montré un goût certain pour les textures musicales douces, les beats cotonneux et les fusions hybrides. Ici, avec Melanchronica, il pousse l’expérimentation plus loin : l’album est un nuage chargé de spleen et de soul digitale, un mélange de mélancolie chronique et de lucidité sensorielle. Le mot-valise du titre, Melanchronica, résume bien l’ambition du projet : donner une forme musicale à cette étrange tristesse diffuse qui accompagne notre époque saturée de stimulations, mais pauvre en connexions sincères.
Dès les premières notes, on est happé par un groove aérien, une nappe de synthés discrets, des drums organiques, et cette voix si particulière — celle de Roxane Barker — qui s’entrelace avec le phrasé du rappeur américano-soudanais. On pense à Solange, à Little Dragon, à The Internet. Des artistes capables d’habiller la vulnérabilité de velours.
Les morceaux comme “Erewhon” avec Saba ou “Norbit” et “Everyday Ppl” résonnent comme des confessions douces, portées par une production subtile et une écriture limpide. On parle d’amour, bien sûr, mais aussi d’angoisses, de mémoire, de soi. Il ne s’agit pas ici de bangers, mais de capsules sensibles, à écouter casque vissé sur les oreilles.
Melanchronica est peut-être ce que Bas avait toujours voulu faire : un disque à la croisée des mondes, une offrande musicale à la fois personnelle et collective, où le hip-hop devient un vecteur d’émotion pure, et la collaboration, un vrai lieu de création. Un album qui prend le temps. Et qui, justement, nous en donne.
Bas & the Hics – Melanchronica :
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