On entre dans « Nowhere Land » comme on entrerait dans une pièce dont on ne voit pas les dimensions, lentement, en se demandant si on n’est pas en train de déranger quelqu’un, quelque chose, là bas tapis dans le lointain. Le beat traîne, volontairement léthargique, et ces petits bruits, ces échos aussi aigus qu’étranges, ajoutent au bizarre de la situation. On dirait presque que la voix de Nadeem Din Gabisi ne vient pas d’un studio londonien, mais d’un couloir interdimensionnel où les identités se perdent, se tordent, s’affrontent. Et puis, soudain, ce riff de synthé grimpe, monte, s’impose comme dans un tube de rock anglais, oui, celui de l’Angleterre brumeuse qui a accueilli Jean Gabriel Becker, alias Lux Prima, et celle qui a accueilli la famille sierra-léonaise de Nadeem.
Il y a de l’Angleterre, donc, mais aussi de ce grand nulle part, ce « Nowhere Land » qui n’est pas sur Google Maps, mais que beaucoup connaissent. Cet espace flou où l’on se demande d’où l’on vient, ce qu’on porte, ce qu’on a construit, ce qu’on transmettra. La filiation, la mémoire, la confusion d’être soi tout en héritant des autres… ici, Nadeem en fait presque un journal intime. Il parle de la beauté fragile d’une naissance, de la panique feutrée d’un père face à l’innocence qui déboule alors qu’il n’a pas encore digéré son propre passé. C’est tendre, c’est désorienté, c’est humain.
Et pendant que la voix de Dani Croston éclaire tout ça comme un rayon cristallin, Lux Prima construit un paysage sonique gigantesque. Samplées, filtrées, tordues, les voix deviennent matière. Les synthés grondent, respirent, s’entrechoquent. Les percussions tonnent comme un cœur qui bat trop fort. On sent la précision de l’artisan, l’envie d’étirer l’électronique loin de ses zones de confort pour la rendre introspective, presque charnelle.
« Nowhere Land » n’est pas vraiment un single. C’est un petit film sonore, un voyage initiatique, un moment de dérive assumée. Une pièce où la perte devient poésie, où la confusion devient clairvoyance, et où deux artistes, chacun héritier d’un monde différent, fabriquent ensemble un territoire inédit. Un nulle part qui ressemble furieusement à des quelques part.
Lux Prima & Nadeem Din Gabisi « Nowhere Land » :
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