La Classique ou le souffle de la colère

Le souffle de la colère , les poings levés et les cœurs battants, La Classique déroule une ligne de front musicale où chaque note devient geste de résistance. D’un lundi matin révolté en Guadeloupe à une transe funk rugueuse au Bénin, en passant par les murmures amoureux mais militants de Xalam ou les évangiles sud-africains métamorphosés en cri d’espoir, chaque morceau convoque les esprits de lutte et les mémoires populaires. Ici, la musique ne berce pas : elle réveille. Elle répare. Elle élève. Elle fédère les voix de celles et ceux qui, hier comme aujourd’hui, refusent de baisser les bras. Une bande-son pour marcher droit, danser fort, et résister ensemble.

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Xalam « Kanu », classique intemporel et révolution mbalax // Sénégal

Dans la chaleur douce des années 80, entre les pulsations du mbalax et les envolées jazz, le groupe légendaire Xalam hante les âmes mélomanes avec « Kanu 2 ». Avec ses guitares tissées comme des boubous d’apparat, ses cuivres solaires et sa section rythmique aux ondulations félines, « Kanu 2 » déroule une déclaration d’amour à la fois intime et collective, entre Bamako et Dakar, entre mémoire et renouveau. Dans cette version, le chant se fait plus ample, les arrangements plus feutrés, comme si la maturité du groupe ajoutait des nuances nouvelles à cette ode à l’amour, au respect, et à la tendresse des liens. Chez Xalam, l’amour n’est jamais naïf. Il est complexe, politique, et profondément humain. Un classique intemporel, qui continue de battre au rythme des exils, des retrouvailles et des utopies panafricaines.

Erick Cosaque « Lundi bon matin », chronique ouvrière et prière créole // Guadeloupe

Dans les premières lueurs d’un lundi guadeloupéen, les tambours de Erick Cosaque frappent comme un appel au réveil, à la conscience, à l’insoumission. « Lundi bon matin », c’est bien plus qu’un titre : c’est un morceau-manifeste, l’un de ces chants qui courent dans les veines de la mémoire antillaise. Porté par une rythmique gwo ka entêtante et les clameurs d’une voix à la fois brute et sage, le morceau dessine un tableau où les colères du peuple rencontrent la spiritualité des ancêtres. Sorti dans les années 70, en plein cœur d’un bouillonnement culturel et politique, ce morceau illustre l’art d’Erick Cosaque de faire résonner l’urgence sociale à travers les battements du ka. À la fois chronique ouvrière, prière créole et cri de dignité, « Lundi bon matin » redonne aux débuts de semaine la force d’une révolution en douceur. Un morceau à écouter debout, le poing serré et l’âme ouverte.

Children of God, Chicco, Brenda Fassie « Soon and Very Soon », le souffle de la libération // Afrique du Sud

Dans un souffle gospel qui traverse les township sud-africains comme un rayon d’espérance, « Soon and Very Soon » réunit les voix incandescentes des Children of God, de Chicco et de la toute jeune Brenda Fassie. Nous sommes au milieu des années 80, l’apartheid bat encore son plein, mais la musique, elle, tisse déjà les fils d’un autre avenir. Sur une reprise magnifiée du classique d’Andraé Crouch, les harmonies et les louanges se mêlent à la pop sud-africaine la plus rayonnante, portée par les synthés lumineux de Chicco et la voix juvénile, vibrante, de celle qu’on surnommera plus tard la « Madonna of the Townships ». « Soon and Very Soon » devient alors plus qu’un hymne religieux : un acte de foi collectif, un cri d’espoir chanté les yeux tournés vers un lendemain libéré ; oui « Soon and Very Soon » ne résonne pas de la même manière dans l’Afrique du Sud de l’apartheid que sur les bancs d’églises américains qui l’ont vu naitre. Dans cette communion musicale, la spiritualité rencontre la lutte, la ferveur se fait résistance, et la voix de Brenda annonce déjà une icône en devenir.

Vincent Ahehehinnou « Y’a pas moyen », transformer la colère en transe // Bénin

Avec « Y’a pas moyen », Vincent Ahehehinnou frappe du poing sur la table rythmique du Bénin des années 70, entre afrobeat incandescent et funk militant. Ancien leader du Tout Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, il signe ici un morceau solo tendu comme une déclaration d’indépendance, guidé par une ligne de basse hypnotique, des cuivres rageurs, et une voix qui scande, proteste, dénonce. Dans un Bénin post-colonial en pleine mutation politique, ce groove rugueux devient le vecteur d’un refus — celui de se plier, de se taire, de céder. Pas de compromis, « Y’a pas moyen » résonne comme une mise en garde funk, un cri d’orgueil porté par l’élégance rugueuse des arrangements et le feu intérieur d’un artiste en rupture. Ahehehinnou transforme la colère en transe, et le groove devient arme.

Ali Farka Touré et Ry Cooder « Bonde », l’écoute mutuelle // Mali, USA

Sur « Bonde », Ali Farka Touré et Ry Cooder tracent une diagonale entre les sables de Niafunké et les vastes plaines du blues du Delta. Ce morceau, tiré de leur mythique album Talking Timbuktu (1994), est une offrande transatlantique, un échange sans mots entre deux langages qui se reconnaissent sans traduction. La guitare sèche d’Ali serpente, pleine de retenue et de sagesse, pendant que celle de Cooder lui répond dans un écho plus ample, presque rêveur. Ensemble, ils invoquent un blues sahélien aux allures d’incantation tranquille, où chaque note est pesée, patinée par le vent, et offerte comme un geste de paix. Bonde, c’est la promesse tenue d’un dialogue sincère entre l’Afrique et l’Amérique, loin des fusions spectaculaires, mais riche d’un respect profond, d’un silence habité, d’une écoute mutuelle.

Djolo – La Classique :

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