Kwaito, bacardi house et Matata : le pari fou de Mfanatouchline

À l’heure où l’Afrique du Sud nous a un peu habitués à creuser des tunnels de house élégantes, polies jusqu’à l’os, où les log drums de l’amapiano s’entrechoquent avec la précision d’un horloger suisse, Mfanatouchline, oui, en un seul mot, débarque à contre-courant. Comme un rappel brutal que la fête sud-africaine ne s’est pas toujours racontée en clair-obscur minimaliste. Avec « Matata », extrait de son album Ntjaka, il ouvre une fenêtre béante sur l’âge d’or du kwaito et de la bacardi house, et laisse entrer un vent chaud, un peu collant, délicieusement vulgaire. Un shot de fraîcheur d’antan, sans nostalgie molle.

« Matata », c’est deux minutes à peine, mais tout y est compressé : les nuits trop longues, les excès qu’on assume à moitié, la jeunesse qui tangue entre euphorie et gueule de bois existentielle. Le narrateur rentre à l’aube, le portail est fermé, la tête tourne encore. L’angoisse pointe, mais elle est noyée dans le groove, absorbée par cette manière très Mfanatouchlin-ienne d’alchimiser la réalité. Il ne moralise rien. Il observe, il danse, il avance en zigzag. Le beat oscille entre rebond kwaito, samples nerveux et futurisme discret. Le son est solide, contemporain, mais il transpire les années 2000 par tous les pores.

Et visuellement, le clip ne fait aucun compromis. On enfile un collant à motifs bariolés, des lunettes blanches bien voyantes, et on réserve des bouteilles hors de prix en club. Voilà l’effet Mfanatouchline. Le clip s’ouvre sur un CD-R Dysan (un CD à graver, de quoi nous rappeler quelques souvenirs) glissé dans un ghetto blaster du début du millénaire, comme une déclaration d’intention. Lui porte du Rick Owens — clin d’œil assumé au pape de l’anti-fashion, célébré d’ailleurs plus tard sur l’album — pendant que les danseuses jouent les Spice Girls bootleg, parachutées au milieu de Pretoria. C’est excessif, c’est un peu ridicule, donc parfaitement juste.

Sous ses airs désinvoltes, « Matata » capte un moment culturel précis, celui d’une jeunesse qui recycle ses mythologies pour mieux avancer. Mfanatouchline ne copie pas le passé, il le remet en circulation.

Mfanatouchline « Matata » :

Mfanatouchline Ntjaka :

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