Tandis que nous traitons sur djolo.net des actualités culturelles africaines et caribéennes, les actualités musicales sont nombreuses dans le reste du monde, et dans cette rubrique simplement intitulée « Et pendant ce temps dans le reste du monde » nous vous proposons un bref tour de ce qui nous a plu cette semaine !
Aux Volta « Bad Sector » // Taïwan, Thaïlande
Avec “Bad Sector”, Aux Volta débarquent sans prévenir, comme un bug salutaire dans une matrice musicale trop propre. Premier tir d’un duo londonien désormais éclaté entre la Thaïlande et Taïwan, le morceau avance à coups de glitches nerveux, de pulsations mécaniques et de distorsions qui sentent le rock cramé à plein régime. Un morceau dont la tension ne fait que s’épaissir, seconde après seconde. Club music dévoyée, électronique expérimentale sous acide, manifeste déguisé en piste de danse. “Bad Sector” ne cherche pas à plaire ni à rassurer, il secoue, il réveille, il rappelle que l’erreur est parfois le dernier espace de vérité.
Pullman « Kabul » // USA
Avec “Kabul”, Pullman revient comme on rouvre une fenêtre restée trop longtemps fermée. Le morceau ouvre l’album III dans un souffle ample, folk dans l’esprit, post-rock par la méthode, loin des démonstrations inutiles. Banjo en clair-obscur, rythmes qui roulent sans presser, couches instrumentales qui s’installent avec une patience presque désarmante. Rien ne cherche à briller ici, tout cherche à durer. Vingt ans après leurs premières sorties, Brown, Harvey, Brokaw, McCombs et Tim Barnes rappellent que le silence, l’espace et la communauté peuvent encore faire de la musique une expérience vitale.
Stray Theories « Catalyst » // Australie, Nouvelle Zélande
Avec “Catalyst”, Stray Theories avance à pas feutrés mais le regard fixé droit devant. Le morceau s’installe lentement, nappes suspendues et piano en apesanteur, avant de laisser affleurer une tension plus sombre, contenue, presque physique. Rien n’explose vraiment ici : la montée est intérieure, patiente, maîtrisée. On pense à Mogwai ou Sigur Rós pour l’ampleur émotionnelle, mais sans le pathos appuyé ni les grands gestes attendus. Micah Templeton-Wolfe préfère l’équilibre à l’emphase, la clarté à la démonstration. “Catalyst” agit comme son titre l’annonce : un déclencheur discret, qui transforme le doute en mouvement et fait de Falter, futuralbum de l’artiste, une promesse plus assurée qu’il n’y paraît.
Erik Hall « A Folk Study » // USA
Avec “A Folk Study”, Erik Hall fait exactement l’inverse de ce que l’a’on peut attendre de la musique minimale, il la rend charnelle, presque insolente dans sa douceur. Relecture d’un classique de Laurie Spiegel, le morceau avance par répétitions patientes et variations microscopiques, comme un mécanisme qui aurait décidé de ressentir quelque chose. Hall joue tout à la main, sans boucles ni béquilles numériques, en imitant la machine pour mieux la court-circuiter. Le résultat flotte entre trance folk et abstraction savante, hypnotique sans être anesthésiante. Une musique qui ne cherche pas l’effet spectaculaire mais qui s’infiltre lentement, prouvant qu’au cœur de la rigueur minimale peut encore battre un vrai pouls humain.
Andy Leech x Fosters « Mountains » // Écosse, Irlande
Avec “Mountains”, Andy Leech et Fosters jouent la carte du paysage grand angle, mais sans tomber dans la carte postale new age. Le morceau démarre en apesanteur, guitare et piano posés comme une brume tiède, avant que la basse profonde et le beat ne viennent ancrer le décor. On reconnaît la patte enveloppante de Leech, pendant que Fosters injecte une sensibilité plus organique, presque folk, qui fait respirer chaque montée. Les cordes celtiques, les guitares électriques et les voix noyées de reverb n’escaladent pas pour la performance, elles installent une tension lente, cinématographique, qui préfère la durée au coup d’éclat.
Kiyan Foroughi « Seas of Space » // Singapour
Avec “Seas of Space”, Kiyan Foroughi ouvre son univers comme on entrouvre un sas, sans mode d’emploi ni promesse facile. R&B cosmique, groove hérité de J Dilla et KAYTRANADA, mélancolie façon Nujabes, le morceau flotte entre danse et introspection sans jamais choisir son camp. La voix éthérée de Rachelle Ruby guide le voyage, douce mais déterminée, pendant que Jude vient griffer le décor avec un rap lucide, rappelant que le neuf peut aussi être un mirage. Derrière la chaleur immédiate, il y a Rumi, l’ego qu’on largue dans le vide et cette obsession du “qui suis-je vraiment”. “Seas of Space” n’est pas un simple single d’introduction : c’est un premier pas dans le vide, parfaitement maîtrisé, pour ceux qui aiment perdre leurs repères sans lâcher le groove.
RVRIE « Winter Sun » // Chine
Avec “Winter Sun”, RVRIE ralentit enfin, et ça fait presque mal. Zefan Gao met sur pause la fuite en avant pour retourner fouiller les marges gelées de son enfance, entre la frénésie du Beijing des années Y2K et le silence presque religieux d’une école quaker américaine. Piano nu, textures atmosphériques et mélancolie retenue, le morceau avance comme un souvenir qu’on n’a jamais vraiment voulu regarder en face. Ici, l’hiver fige la mémoire pour mieux la faire remonter, sans lyrisme facile ni consolation prémâchée. “Winter Sun” cherche la lumière là où elle dérange, et rappelle que parfois, pour avancer, il faut d’abord accepter de traverser le froid.
Chris Panella « Margo » // USA
Avec “Margo”, Chris Panella ferme la porte sans la claquer, et c’est justement pour ça que ça reste en tête. Dernier chapitre de The Four Seasons of Her, le morceau préfère la retenue à l’effet, la lucidité à la nostalgie forcée. Tout est joué et enregistré par lui-même, sans fioritures ni mise en scène, comme si la chanson devait rester à hauteur d’homme. Sa voix avance calmement, lourde mais apaisée, portée par une écriture qui assume la fin plutôt que de la fuir. “Margo” ne cherche pas à briller, elle accepte de conclure, et dans un paysage pop obsédé par les refrains éternels, cette élégance-là a quelque chose de radical.
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