Tandis que nous traitons sur djolo.net des actualités culturelles africaines et caribéennes, les actualités musicales sont nombreuses dans le reste du monde, et dans cette rubrique simplement intitulée « Et pendant ce temps dans le reste du monde » nous vous proposons un bref tour de ce qui nous a plu cette semaine !
Sierra Levesque « 5 DAYS WITH THE DEVIL » // Canada
Voilà donc la relève, celle qui prouve que le rock n’roll n’est pas mort, juste en train de se réincarner dans une génération nourrie à la fois à Avril Lavigne et à Joan Jett. Avec “5 Days With The Devil”, Sierra Levesque sort les griffes, les riffs et les refrains qui sentent la sueur, le cuir et la chambre d’ado. C’est brut, nerveux, un peu trop intense pour être sage — et c’est exactement ce qu’on attend d’elle. Le morceau démarre comme une confession amplifiée : un cri de guitare, un grondement de basse, une batterie qui ne lâche rien. Sierra y crache son histoire avec une sincérité désarmante, entre rage et mélancolie, entre la douceur d’une jeune fille étudiante à Berklee et la hargne d’une héritière du punk.
Benjamin Booker « A Place For Us » // USA
Dans l’état de déliquescence morale où pataugent les États-Unis, entre suprémacistes en goguette et politiciens ventriloques de Fox News, rares sont ceux qui trouvent encore le courage de chanter pour autre chose que leur propre nombril. Benjamin Booker, lui, dégaine sa guitare comme une prière et balance A Place For Us, un cri du cœur punk-gospel dédié à ceux qu’on efface : les réfugiés, les exilés, les sans-papiers qu’on pourchasse au nom d’une Amérique fantasmée. Là où d’autres dressent des murs, lui bâtit des ponts — de cordes, de voix et de compassion. Le morceau, à la fois brûlant et lumineux, s’inscrit dans Passages, un projet caritatif dont les bénéfices iront à des associations texanes qui défendent ceux qu’on a condamnés à errer. Booker, avec sa ferveur éraillée et son sens du juste, nous rappelle que le rock, quand il arrête de faire le beau, peut encore être un acte de résistance. Un peu de lumière dans les ténèbres yankees — ça ne se refuse pas.
Linn Thomas « Tvinga mig inte » // Suède
Il y a dans la voix de Linn Thomas quelque chose d’une source gelée qui recommence à couler — claire, pure, et si proche de l’âme qu’on a peur de respirer trop fort. « Tvinga mig inte » n’est pas une chanson de rupture, c’est une délivrance douce, une main qui se détache sans violence. La mélodie s’étire comme une dernière caresse, un rayon de lumière sur la neige fondue d’un souvenir. Tout y est simple, presque silencieux, et c’est justement là que réside sa force : dans cette pudeur qui dit l’indicible, dans ce calme qui contient toutes les tempêtes.
Godlvng « Go! » // USA
Sur “Go!”, le trio de Buffalo Godlvng ne rappe pas, il invoque. Entre deux pulsations d’un beat suspendu, les voix de Tr38cho et Father Baker surgissent comme des mantras post-apocalyptiques, des incantations psalmodiées à mi-chemin entre la transe et la science-fiction. Le tout flotte sur la production spectrale de Hunger Artist, un paysage sonore si aérien qu’on jurerait entendre le vide lui-même respirer. Ici, pas de refrains accrocheurs ni de gimmicks TikTok, juste une descente lente et hypnotique dans un hip-hop qui s’écoute les yeux fermés, comme un rêve lucide. “Go!” n’avance pas, il lévite — et c’est précisément là que réside sa beauté.
Mundi The Pale Blue Dot // Nouvelle Zélande
Sous la bénédiction poétique de Carl Sagan, Mundi nous ramène à l’essentiel : ce petit point bleu suspendu dans le vide, fragile, splendide et foutrement vivant. The Pale Blue Dot n’est pas juste un album, c’est une orbite musicale autour de la condition humaine — celle d’êtres minuscules qui, malgré tout, s’entêtent à danser, à aimer, à souffler dans des bouts de bois et de métal pour célébrer la Terre. Tamara Smith, la tête pensante du projet, puise dans les paysages de la côte est néo-zélandaise une énergie organique qui infuse chaque morceau : entre les racines du jazz, la transe du folk et les respirations du monde. On y sent le vent, la poussière, les pulsations d’un écosystème encore vivant malgré nos prétentions d’espèce dominante.
Lex Leosis i’m a little sensitive // Canada
Habituée à bomber le torse dans les cyphers de Toronto, Lex Leosis lâche cette fois les gants et le masque sur i’m a little sensitive, un EP qui fait tomber la carapace sans tomber dans la plainte. Trois titres pour dire tout haut ce qu’on refoule quand on joue à la dure : les complexes, la fatigue, la putain de pression d’être forte, belle, queer, visible et silencieuse à la fois. Leosis, c’est une bonne dose de charisme et de lucidité, une plume trempée dans le bitume et la tendresse. Sur insecure, elle se redresse, sur sayso, elle apprend à dire non, et sur theweeds, elle jubile – parce qu’il faut bien respirer entre deux introspections. Ce n’est pas un EP pour pleurer sur soi, c’est une mue, un coming out émotionnel, brut et élégant.
Quentin Moore « Kiss Your Lips » // USA
Si Isaac Hayes et D’Angelo avaient eu un enfant dans une Cadillac de 1974, la radio bloquée sur du funk moite, il s’appellerait sans doute Quentin Moore. Avec « Kiss Your Lips », le Texan sort le grand jeu : basse lascive, vibraphone céleste, et une voix qui suinte la sensualité sans jamais sombrer dans la mièvrerie. Ici, le baiser devient religion, rite, et acte de résistance contre la fadeur des slow jams sous autotune. Moore reprend la soul à la source — brute, charnelle, vivante — et l’habille d’une sophistication moderne à la Free Nationals. Le morceau, tout en velours et en sueur, glisse comme un doigt sur un disque de vinyle : chaud, légèrement imparfait, terriblement humain. Entre falsetto et rugissement, Quentin Moore ne chante pas l’amour, il l’incarne. Et dans ce monde aseptisé, ça fait du bien d’entendre quelqu’un oser encore le désir.
Eydís Evensen « Drifter » // Islande
Avec “Drifter”, Eydís Evensen transforme trois minutes de silence suspendu en océan d’émotions contenues. C’est un morceau qui flotte, glisse, et finit par nous engloutir sans une éclaboussure. Le piano, froid comme le vent du Nord, avance à pas feutrés sur une mer de verre — un mouvement lent, presque immobile, où chaque note semble hésiter avant de se dissoudre dans le brouillard. Pas besoin de mots : tout est déjà dit, dans la respiration entre les touches, dans ce vide plein d’écho où se reflètent nos propres dérives.
… n’attendez plus pour faire ce que vous voulez faire, et suivez-nous sur nos réseaux !