Et pendant ce temps dans le reste du monde #271

Tandis que nous traitons sur djolo.net des actualités culturelles africaines et caribéennes, les actualités musicales sont nombreuses dans le reste du monde, et dans cette rubrique simplement intitulée « Et pendant ce temps dans le reste du monde » nous vous proposons un bref tour de ce qui nous a plu cette semaine !

Almost An Artist « Sleep With Your Friend » // Liban, Italie, France, US…

Un titre sec, cru, presque obscène dans sa formulation, mais porté par un rock qui suinte l’élégance désabusée des années 90, quelque part entre les balades râpeuses de Nirvana et les envolées plombées de Led Zeppelin. Pas de fioritures ici, pas de mur de son pour cacher la misère : juste une voix qui se brise un peu trop vite, une guitare qui gratte comme une blessure qu’on refuse de désinfecter, et cette tension poisseuse entre l’intime et le foutoir sentimental. On sent l’histoire personnelle derrière chaque mot, une amitié flinguée, des regrets pas digérés, et une pudeur qui claque la porte en laissant la douleur faire le boulot. Almost an Artist, c’est peut-être ça : pas tout à fait musicien, pas tout à fait là, mais terriblement juste quand il s’agit de foutre les tripes sur la table.

Brent Amaker and the Rodeo « I Need Love » // USA

Brent Amaker n’a jamais vraiment été du genre à rentrer dans les bottes du cowboy classique. Avec « I Need Love », il continue de tirer dans les coins, là où Nashville baisse les yeux et où Mexico dégaine les cuivres. C’est de la country, oui, mais passé à la tequila, un Johnny Cash qui aurait troqué le whisky sec pour un mezcal bien fumé. Les mariachis s’invitent à la fête, les frontières musicales s’effondrent, et le type en noir, stoïque à première vue, balance un cri du cœur qui en dit plus long qu’un lasso bien lancé. Derrière les trompettes, Brent ne chante pas juste une romance de saloon : il parle de désir, de solitude, de ces frontières qu’on trace aussi entre soi et les autres. Et pendant que l’Amérique construit des murs, lui construit des ponts.

múm « Only Songbirds Have a Sweet Tooth » // Islande

Avec « Only Songbirds Have a Sweet Tooth », múm revient comme un chat sur les toits, les coussinets trempés dans l’analogique, les moustaches branchées sur un synthé cassé. Derrière ce titre faussement enfantin se cache un petit ovni sonore : des guitares mangées par la bande, une rythmique bancale comme une marche de volcan, des voix qui se croisent sans jamais s’embrasser tout à fait, et des éclats de lumière samplés dans le flash d’un appareil photo. Le morceau bricole, chuchote, tourbillonne — comme si un vieux lecteur cassette avait avalé un quatuor à cordes en jouant à cache-cache avec un plugin glitch. Pas vraiment pop, pas tout à fait électro, sûrement pas rock : juste múm, dans leur chaos organisé si islandais, entre poésie lo-fi et bricolage de génie. Un morceau qu fait croire au retour du soleil, même si, à bien y regarder, il clignote un peu.

Alberto Manco « No Rush » // Italie

Pas de solo hystérique, pas de contretemps acrobatique pour prouver qu’il sait jouer – Alberto Manco s’offre juste un moment de grâce, un jazz lent, flottant, presque flegmatique, qui te murmure à l’oreille de ne surtout pas te presser. « No Rush », comme son nom l’indique, prend son temps, et c’est bien ce qu’il fallait. Une respiration musicale au-dessus du vacarme ambiant, où le monde te gueule de courir alors que tu veux juste marcher dans une ruelle vide, en laissant tes pensées faire le boulot. Le musicien italien qu’on a vu derrière mille projets (La Municipàl, Diego Rivera, Mistura Louca…) laisse ici tomber les paillettes, les festivals, les dates à gogo, pour revenir à l’essentiel : un rythme juste, une mélodie qui comprend ta fatigue, et un groove doux comme une fin d’été. Ce n’est pas une fuite, c’est une pause – et on en avait besoin.

Justin Tracy « Atlantic » // UK

Il y a des chansons qui ne demandent rien, ne s’imposent pas, ne cherchent pas le like ni la hype. « Atlantic » de Justin Tracy en fait partie. Une balade qui semble avoir pris racine quelque part entre les landes du Yorkshire et les rivages de l’Écosse, à l’époque où les dieux parlaient encore aux hommes. Une voix grave et fragile, une guitare tressée comme un vieux filet de pêche, et ce souffle salé venu des falaises… Pas de démonstration, pas d’esbroufe – juste une mélodie qui connaît la mer, les adieux, les pères, les fils, et les silences que ça laisse derrière. À l’heure où même le folk s’habille en synthé fluo pour courir après TikTok, Justin Tracy campe sur ses galets, face à l’Atlantique, fidèle au feu et à l’humain. Il ne réinvente rien, et c’est justement pour ça que ça marche. Parce que parfois, on a juste besoin d’un peu d’intemporel.

Luminiah « chapter III: love alchemy » // USA

Avec « chapter III: love alchemy », Luminiah ne chante pas l’amour, elle le distille. Goutte après goutte, entre mysticisme de sorcière R&B, sensualité crue et nébuleuse néo-soul, elle transforme ses blessures en élixir ; et t’invite à le boire avec elle ! Il y a du Cleo Sol dans l’introspection, du Yaya Bey dans la résistance émotionnelle, mais surtout beaucoup de Luminiah dans cette manière d’enrober l’exigence d’intimité d’un voile vaporeux, presque dangereux.

Wildchild Child of a Kingsman // USA

Pas besoin de cape ni de sceptre pour revendiquer sa lignée quand on a un flow affûté, une vision claire et un héritage sonore taillé dans le granit. Avec Child of a Kingsman, Wildchild revient du silence comme d’autres reviennent de guerre : le verbe affûté, les beats trempés dans le jazz et la néo-soul, et une armée de musiciens de haut vol à ses côtés — Keyon Harrold, Nottz, Amber Navran, pour ne citer qu’eux. L’ancien de Lootpack, pote de Madlib et frère de vibe de Phife Dawg, signe ici un double album dense, classieux, où chaque titre pèse son poids de vécu et de groove. Fini le temps des featurings en pilotage automatique : ici, ça respire la paternité, la transmission, le retour aux fondamentaux sans perdre le goût du risque. Child of a Kingsman, c’est du hip-hop pour celles et ceux qui aiment que leur rap pense, chante et tape en même temps. Wildchild ne cherche pas à faire du bruit, il cherche à faire sens. Et il y arrive.

Readey « Flow State » // UK

Quelques mois à peine après Nanotes, Readey revient avec « Flow State », un missile à tête chercheuse calibré pour les cerveaux trop connectés. Son flow anglais, vif et teigneux, rebondit comme une balle dans un couloir sans issue, zigzague entre les mesures, pique là où ça gratte — dans le rythme, dans les rimes, et surtout dans le fond. Car sous les jeux de mots affûtés se cache un vrai doigt levé, insolent et lucide, tendu vers une société en roue libre. Pas un freestyle pour épater les copains, mais un diss track pour remettre les pendules à l’heure. Et quand Readey entre en « Flow State », on ferait bien de l’écouter !

Poity & VodomiroV « Loving Heart (Louf remix) » // Russie, Indonésie, UK

Techno sentimentale, Ableton, piano acoustique, et le groove sans frontières de Louf. Le producteur londonien remixe ici « Loving Heart » de Poity & VodomiroV, deux cerveaux russes exilés à Bali, passés maîtres dans l’art de faire vibrer l’âme et les kicks sur le même tempo. Le track est né d’un enregistrement iPhone trafiqué à coups de Warp markers et d’intuitions électro-organiques, avant d’être relifté par Louf en un bijou de house flottante, subtilement brisée, délicatement texturée. C’est le genre de track qu’on met entre deux dimensions, quand la fête s’est calmée mais que les neurones dansent encore. Une collab née d’un mail bien senti, d’un cours privé, et d’une passion partagée pour le glitch bien fait. Résultat : une electronica de tête et de tripes, à la fois nerd et sensuelle.

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