Tandis que nous traitons sur djolo.net des actualités culturelles africaines et caribéennes, les actualités musicales sont nombreuses dans le reste du monde, et dans cette rubrique simplement intitulée « Et pendant ce temps dans le reste du monde » nous vous proposons un bref tour de ce qui nous a plu cette semaine !
Rea « Dippam Dappam » // Inde, UK
Trop sucrée la version d’origine ? Pas de panique, REA vient de la secouer comme un cocktail de fin de rave. Avec son “Dippam Dappam”, la productrice britannique dégaine un banger sans frontières, fusion aussi toxique que jouissive entre grime, baile funk et rythmes tamouls. C’est saturé, nerveux, joueur, et ça sent le sol collant d’un club à 5h du mat’. Ce n’est pas un remix, c’est une reprogrammation sauvage du tube d’Anirudh Ravichander pour la génération diasporique qui danse jusqu’au bout de la nuit. Pas le temps de méditer sur l’identité culturelle : REA préfère l’exploser sous des kicks compressés, le temps d’un uppercut sonique. Daytimers signe ici son manifeste version 2.0 : décoloniser les dancefloors, mais avec du style, du son, et de la sueur.
Christopha « Better Late Than Never » // UK
Christopha revient avec « Better Late Than Never » comme on surgit dans une baston de fin de soirée : le regard clair, le verbe affûté, et surtout, aucun doute sur ce qu’il est venu faire. C’est le 13e round de son marathon 2025, 26 titres balancés tous les quinze jours, et à mi-parcours, le MC londonien prouve qu’il a encore du souffle, mais surtout du tranchant. Ici, pas de grime de salon ou de beat sous-vide : la prod tape sec comme une portière de Vauxhall claquée avec rage, et les lyrics tombent en rafale, précis comme des uppercuts. Christopha n’est pas en train de revenir — il est en train de régler ses comptes. Le titre dit tout : il vaut mieux arriver tard que jamais, surtout quand on vient réclamer ce qui nous est dû.
Rival Consoles « Theme (from MindsEye) » // UK
Avec « Theme (from MindsEye) », Rival Consoles ne signe pas juste une B.O. de jeu vidéo — il injecte du spleen dans la matrice. Froid mais palpitant, massif mais chirurgical, ce thème claque comme une déflagration sourde dans un monde dystopique trop bien rangé. Ryan Lee West n’accompagne pas l’image, il la manipule, l’amplifie, la parasite, jusqu’à ce qu’on ne sache plus si c’est la manette ou le beat qui fait vibrer nos nerfs. Composée en trois ans dans les entrailles de son studio londonien, cette bande-son enfonce la porte du futur avec des synthés en acier trempé et des nappes qui suintent la tension. « Theme », c’est le son du vertige numérique, celui qui t’enveloppe dans un halo glacé pendant que le monde s’effondre au ralenti. On n’écoute pas Rival Consoles, on s’y perd. Et dans MindsEye, on ne joue pas : on plonge.
Grandbrothers « We Collide » // Allemagne, Suisse
Avec « We Collide », les Grandbrothers frappent encore là où ça fait du bien : dans l’obsession, la tension, et l’élégance qui ne se la raconte pas. À partir d’un grand piano torturé dans tous les sens du terme, le duo germano-suisse transforme une limitation en vertige sensoriel. Les marteaux tapent comme des battements d’un cœur désaccordé, les répétitions hypnotisent, les crescendos filent droit comme des lignes de coke sur du Steve Reich. Pas de fioritures, pas de mélodie sucrée, juste cette impression étrange que quelque chose se détraque lentement — mais joliment. « We Collide » sonne comme un orage dans une cathédrale, et le clip de Rupert Höller ne fait qu’ajouter à cette montée d’adrénaline contemplative. Sarp et Vogel restent les chirurgiens froids de l’émotion chaude, les minimalistes qui font danser la poussière. Leur prochain album Elsewhere est annoncé pour septembre. Prépare-toi, ça risque encore de secouer très doucement.
Remi Cormier « Reciprocate » // Canada
Avec « Reciprocate », Rémi Cormier dégaine sa trompette comme un cowboy de western dégainerait son arme : avec précision, nervosité et un sens aigu du timing. Ça ne minaude pas, ça fonce droit dans les lignes, zigzaguant entre les bordées liquides du piano et les portées en clair-obscur d’une rythmique au scalpel. La batterie, presque clinique, dissèque le groove avec méthode, pendant que la basse tient la ligne comme un métronome sous tension. On pourrait croire à une jam de haut vol, mais tout est millimétré — chaque note a l’air improvisée, mais vise juste. Pas de jazz flasque ou de démonstration inutile ici : Cormier balance un titre tendu, élégant et sans fioritures, qui rappelle que l’amour – comme la musique – ne vaut que s’il est réciproque. Une déclaration d’intention avant un album qui s’annonce affûté comme une lame neuve.
Mamah Soares « Banho de Abô » // Brésil
Avec « Banho de Abô », Mamah Soares ne fait pas juste couler l’eau des ancêtres : il t’immerge, tête la première, dans un bain d’herbes, de rythmes ijexá, et de réminiscences yorubas distillées au goutte à goutte. Pas de folklore sous cellophane ici — c’est du rituel en stéréo, brut, habité, qui sent la terre mouillée, le feu d’Oxóssi, et le chant des orixás. Le beat pulse comme un cœur en transe, Otto pose sa voix avec la ferveur d’un griot carioca, et les arrangements, chirurgicalement chauds, tapent juste entre spiritualité et groove. Soares ne cherche pas à plaire, il cherche à purifier. Et « Banho de Abô » n’est pas un single : c’est une offrande. Celle qu’on accepte les yeux fermés, ou qu’on fuit en courant. À toi de choisir.
Salt Beef Reuben « Maiden Voyage » // UK
Il faut avoir du culot pour reprendre « Maiden Voyage » de Herbie Hancock — encore plus quand on s’appelle Salt Beef Reuben. Mais ces jeunes têtes brûlées du Sud-Ouest anglais n’ont manifestement pas froid aux doigts. Leur version ? Un jazz bavard, musclé, presque insolent, qui décolle sans demander à la tour de contrôle. Ça s’envole habilement, ça slalome entre les lignes originales avec des claviers hystériques, une basse bien trop grasse pour être sage, et des guitares qui mordent. Pas une simple révérence, non : un hommage qui réveille le fantôme de Herbie avec une claque amicale. Une belle reprise donc, qui respecte le maître tout en lui tirant la langue. Et si ça, c’est juste un avant-goût, on peut s’attendre à ce que Salt Beef Reuben revienne bientôt avec un plat de résistance. Préparez les oreilles, ça risque de chauffer.
yesprincess « No More » // USA
Avec « No More », yesprincess balance une claque douce dans un gant de soie — un morceau qui parle d’amour, de rupture et de réinvention, mais sans geindre ni supplier. À mi-chemin entre une confession murmurée et une déclaration d’indépendance en sourdine, la chanteuse de L.A. infuse son afro-fusion d’une élégance moite, nappée de percussions feutrées et de mélodies qui ondulent comme un slow dans une villa en bord d’Atlantique. Ce n’est pas un tube, c’est un mood : une manière de dire qu’on a pleuré, compris, digéré, et qu’on s’est relevée — sans forcément faire de bruit, mais en beauté. yesprincess ne cherche pas à séduire, elle s’impose — et sa voix flotte entre douceur lascive et lucidité amère. « No More » ? Non, ce n’est pas une rupture, c’est une renaissance en plein groove.
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