Allez, on retombe dans le sombre, dans l’étrange, dans l’indicible et le chaotique avec le bien nommé The Awakened Chaos of Ramlak, signé par l’Éthiopien Ramlak Bmbo, ou Kamlak Taye pour l’état-civil, mais autant dire que ce nom-là s’est dissous depuis longtemps dans le bourdonnement de ses machines. Ici, cet habitué du drone, du bruitisme et des abysses sonores nous ouvre la porte de son chaos, une porte lourde, grinçante, qu’on n’est pas sûr d’avoir envie de franchir, mais qu’il referme derrière nous avec un calme glacial.
Parce que Ramlak ne “compose” pas vraiment : il convoque. Il superpose crépitements et bourdonnements, fait couler des nappes épaisses comme une nuit sans lune, entremêle des souffles, des craquements, des murmures de circuits. Il joue sur les répétitions jusqu’à l’ivresse, parfois même jusqu’à la limite de l’agréable, pour ne pas dire du supportable. Sa musique est une fumée lourde, une vapeur métallique qui rampe au sol, s’infiltre entre les chevilles, remonte lentement le long du corps avant de s’évanouir à hauteur du front, laissant ce drôle de voile froid sur la peau.
Et pourtant, dans ce maelström, quelque chose respire. Derrière les draps glacés des synthés, derrière la drone austère, on devine ici un pattern, là un phrasé mélodique aussi fugitif qu’un mirage dans la brume, parfois une presque-voix. Une lointaine mémoire de l’Éthiopie, distordue, avalée par les machines, puis recrachée en spectre sonore. The Awakened Chaos of Ramlak n’est pas un album : c’est un interstice. Une zone d’entre-deux, ni terrestre ni céleste, où la pulsation devient transe et la mélodie se transforme en invocation.
Des chants étranges glissent comme des fumées sacrées, des rythmes brisés rebondissent dans l’obscurité, et le ciel, immense, indifférent, miroir d’une nuit industrielle, semble amplifier ces sons plus à l’aise dans l’air que sur le sol. Le voile entre les mondes se fait poreux. Le chaos s’éveille. Et Ramlak, lui, ne fait que l’écouter.
Ramlak Bmbo The Awakened Chaos of Ramlak :
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