Fort de son EP Arouas, sorti un peu plus tôt cette année, T2i continue d’en étirer le fil sans jamais le détendre. Avec le clip de “Pipo”, le rappeur guyanais refuse le confort des sorties anecdotiques et choisit la densité. Trois minutes, pas une de plus, pour poser une question cruciale… qu’est-ce que le colonisé devient quand l’Histoire refuse de le regarder en face ?
Pipo n’existe pas. Et pourtant, il est partout. Pipo, c’est l’allégorie, le miroir, le corps chargé d’héritages qu’on préfère souvent mettre sous le tapis. À travers lui, T2i mène une réflexion sociale et historique frontale, sans slogans creux ni posture militante en carton. Le propos avance par images, par silences, par rythmes, comme une mémoire qui remonte à la surface sans demander la permission.
Musicalement, “Pipo” se situe à un carrefour familier pour la Guyane mais encore trop peu exploré ailleurs : celui du rap sud-américain et des influences latino-américaines profondément enracinées dans le territoire. Les percussions évoquent l’Amazonie, les cadences rappellent les circulations culturelles entre rives, forêts et villes. Rien d’exotique ou de folklorique ici, ces sonorités forment l’ossature même du morceau. Le rap sert de colonne vertébrale, la poésie fait le reste.
Né entre Rouran et Sinnamary, T2i a grandi dans un environnement amazonien qui imprègne autant son son que son regard. Il décrit son hip-hop comme « fruité », une musique organique, semée tôt, récoltée tard, nourrie par la terre et par le temps. Ses racines plongent dans des figures locales et héroïques comme Gabryèl, Pompée ou A. Tablon, non pas comme des références figées, mais comme des présences actives qui irriguent son écriture.
Ce positionnement, T2i l’a construit seul, en mode DIY, depuis FRUIT en 2020 jusqu’à Arouas aujourd’hui. Clips réalisés par ses soins, univers visuel cohérent, refus des raccourcis. Sur scène, que ce soit en Guyane, en métropole, à Dakar ou au Brésil, l’énergie est brute, dense, habitée. Une performance pensée comme un partage, jamais comme une démonstration.
Avec “Pipo”, T2i ne livre pas un simple clip de plus dans la rotation des plateformes. Il propose une œuvre qui traverse les langues, les frontières et les mémoires. Une pièce consciente, vibrante, nécessaire. Une musique qui danse, oui, mais qui n’oublie jamais pourquoi elle avance.
T2i « Pipo » :
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