Il y a un clip culte de Fatboy Slim où deux rednecks découvrent une cassette magique dans un champ. Dès qu’ils la glissent dans leur lecteur, leurs corps leur échappent, secoués par une force incontrôlable, électrisés par une transe qu’ils ne comprennent pas. C’est exactement ce que produit Club Tounsi, le dernier disque d’Ammar 808 : une cassette possédée par le mezoued, ce genre populaire tunisien longtemps méprisé, mais ici boosté au carburant électronique, débridé, incandescent.
Sofyann Ben Youssef, alias Ammar 808, n’en est pas à son coup d’essai. Après Maghreb United et Global Control / Invisible Invasion, il revient au pays, à la source, pour brancher les vieilles fréquences du mezoued sur la console du futur. Et le résultat cogne fort. Dès les premières secondes, on est pris dans un vortex de darbouka trafiquée, de ney saturée, de rythmes fezzani triturés, nappés de basses telluriques qui évoquent autant les clubs berlinois que les mariages tunisiens… enfin, passé 4h du matin !
Mais attention, ici, le voyage n’est pas qu’un délire clubbing ou une simple nostalgie. C’est une réappropriation fière et radicale d’une musique des marges. Le mezoued, musique des quartiers populaires de Tunis, celle qu’on écoutait à bas volume dans les taxis collectifs et qu’on bannissait des plateaux télé, devient la matière première d’une révolution sonore. À coups de boucles répétitives, de distorsions hypnotiques et de voix auto-tunées, Club Tounsi secoue le corps et l’histoire.
Avec Mariem Bettouhami, Mahmoud Lahbib ou Brahim Riahi au micro, Ammar 808 ne cherche pas l’originalité gratuite. Il puise dans les classiques du mezoued — “Aman Aman” en tête — pour les métamorphoser. Ce n’est pas une reprise, c’est une renaissance. Une bande-son futuriste, tribale, ancrée dans la poussière et projetée dans le stroboscope musicale d’Ammar 808.
Club Tounsi, c’est un dancefloor où l’on entre en transe au son d’un passé trop longtemps enfoui. Une claque sonore qui pousse le tempo, un cri d’amour électronique à la Tunisie des bas-fonds. Et cette fois, personne ne pourra couper la cassette.
Ammar 808 – Club Tounsi :
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