Il fallait bien un double vinyle pour raconter cette rencontre fondatrice, celle de deux écoles, de deux styles, de deux titans. African Jazz invites O.K. Jazz (1961–1970), c’est la bande-son d’une décennie charnière, un album-manifeste qui réunit pour la première fois les figures majeures des deux grandes familles de la rumba congolaise : l’African Jazz du légendaire Grand Kallé et l’O.K. Jazz du géant Franco Luambo Makiadi.
Ce coffret précieux, édité par le label bruxellois Planet Ilunga, ressuscite des trésors sonores enregistrés dans les années 1960, en partie en Belgique, en partie à Kinshasa. Sur la face A du premier disque — soit les sept premiers titres de la version numérique — on entend l’O.K. Jazz dans sa pleine jeunesse, capté en 1961 en Europe, dans un style encore marqué par l’odemba : ce groove lent et majestueux, porté par les lignes de guitare de Franco, qui distille une mélancolie dansante. C’est une rumba de velours, presque solennelle, où le tempo semble suspendu à chaque frappe de cymbale. La voix chaude de Vicky Longomba y dialogue avec les guitares comme dans un rite de passage.
Sur la face B, place à l’African Jazz et à son école fiesta, tout en vitalité syncopée, en chœurs lumineux, en arrangements effervescents. Enregistrés entre 1961 et 1962, ces morceaux illustrent la richesse d’un groupe qui, sous la direction de Kabasele, savait conjuguer le tumulte de l’indépendance et les élans de la modernité congolaise. L’énergie est contagieuse, les guitares plus acrobatiques, les percussions presque espiègles.
Le second disque, lui, explore le reste de la décennie. Du morceau 16 au 21, c’est l’O.K. Jazz qui évolue, s’aventure vers le bolero, ralentit le pas, se fait plus introspectif, plus lyrique. Le style s’enrichit, les arrangements se densifient, et Franco devient conteur, poète, gardien d’une mémoire collective. Puis, du morceau 22 à la fin, l’African Jazz revient pour conclure en beauté : avec des titres de la fin des années 60, moins documentés, mais toujours empreints d’un savoir-faire vocal et orchestral qui impressionne.
Au-delà de la rareté des titres et de la qualité de la remasterisation, African Jazz invites O.K. Jazz est surtout un témoignage vibrant de l’intelligence musicale de ces deux écoles rivales mais complémentaires. Deux visions de la rumba, entre fièvre et élégance, entre effervescence et introspection. Deux chemins pour dire la même chose : la beauté complexe et bouleversante du Congo des années 60.
Planet Ilunga – African Jazz invites O.K. Jazz (1961-1970) :
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