Dans un halo de guembri vibrant et de guitares incandescentes, Gnawa World Blues s’ouvre comme une porte ancienne sur un monde où les continents ne s’opposent pas : ils dialoguent. Dans les dents Huntington ! Le Maroc de Majid Bekkas s’y avance à pas feutrés, porteur d’une tradition millénaire, celle des Gnawas, tissée d’esclavage, de spiritualité et de résilience. Mais ici, la transe ne reste pas figée : elle voyage. Elle s’envole, magnifiée par la virtuosité sans frontières de l’artiste français d’origine vietnamienne, Nguyên Lê et la pulsion élémentaire du percussionniste américain Hamid Drake. Trois musiciens, trois passeports, une même langue : celle de l’âme.
On se souvient de African Gnaoua Blues, disque phare de Bekkas qui déjà, ouvrait les pistes du désert à d’autres sonorités. Gnawa World Blues en est l’écho lointain, mais aussi l’évolution : plus libre, plus électrique, plus téméraire. C’est une médina sonore aux ruelles sinueuses où le « Purple Haze » croise les djinns du guembri, où les ombres de John Lee Hooker dansent sur les murs du souk, pendant qu’une brise venue du Vietnam vient adoucir la fournaise.
Dès “Ascending Dragon”, la musique flotte comme de l’encens au lever du jour. Le oud y devient souffle, le sax y serait presque murmure, et la batterie de Drake, elle, trace des pistes dans le sable chaud. Plus loin, sur “Boom Boom”, le blues s’enrhume de poussière et d’africanité, et Lê s’y faufile tel un serpent de feu, transformant chaque riff en éclair.
C’est un album de feu et de soie. Un disque qui évoque Marrakech à midi, les pierres brûlantes, les ombres courtes et l’appel du muezzin qui se mêle à la rumeur d’un Hendrix lointain. Mais c’est aussi le calme d’un thé à l’ombre d’un figuier, le sourire d’un vieil homme, et le frisson de la rencontre.
Gnawa World Blues n’est pas un album : c’est un voyage, une conversation, un mirage. Et Majid Bekkas en est le conteur, le passeur, le chamane.
Majid Bekkas, Nguyên Lê, Hamid Drake – « Gorée Blues » :
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