Après les kabars, Ti’Kaniki emmène son maloya à l’opéra

Le monde avance. On a beau s’égosiller en plaçant des noms abscons, des cis-genré(e), post-racisé, cis-racisé(e), et autres trans-luttes, derrière tout ce que l’on considère comme minorités en danger, on peut phober tout ce que l’on peut phober, de l’islam au gros, en passant par les noirs, comme par les blancs et les souchiens (pour citer Finkelkraut citant machine, citant chose… faut faire attention à la hiérarchie dans ce genre de cas)… oui, on a beau récrier, condamner, lever le poing en l’air, remuer vents et courants d’air, crier à la binarité comme à la non-binarité… mais le monde avance, qu’on le veuille ou pas ! Un exemple ? Oui, justement, un récent, qui sort pas plus tard que le 24 de ce mois de janvier, Ti’Kaniki et son EP Maloya à l’Opéra !

Si le groupe Ti’Kaniki qui fait bouillonner la scène musicale lyonnaise n’a pas à rougir de son parcours, qui respire la créolité réunionnaise et un métissage en tout genre qui charrie les fumets des bouchons lyonnais, comme ceux du ndolé camerounais, et des arepas de maïs colombiens, qui planent dans l’air depuis une échoppe du marché de Douala, ou d’un coin de rue à la Carthagène des Indes, l’histoire de la musique que le groupe produit de kabar en kabar, le maloya, est, elle, peut-être encore plus intéressante !

Puisqu’avant de débarquer dans les rues de Lyon, cette musique a fait les belles heures, et les heures sombres aussi, de l’histoire de la Réunion, et donc aussi de l’histoire des peuples qui se rencontrent, du métissage, mais aussi celle de la France coloniale d’avant, et aujourd’hui de la France Ultramarine. Derrière les roulér et les piké du maloya transparaît l’esclavage, les champs de cannes, la rencontre entre la culture de ceux qu’on a arrachés aux cotes malgaches ou est africaines, avec celles des malbars venus d’Inde, mais aussi à celle des ti blancs avec leurs contredanses et leurs quadrilles… Mais, et surtout, transparaît derrière le maloya une énergie culturelle et métisse qui a longtemps fait peur aux autorités françaises.

Il y a quelques décennies encore, il y a vraiment pas si longtemps, en fait jusqu’en 1982, le maloya était interdit par les autorités d’une France qui pensait encore qu’elle pouvait uniformiser ses territoires ultramarins à grands coups de saucisses au couteau/purée de pommes de terre (pour n’en relever là qu’un caractère plutôt sympathique), et en gommer les singularités culturelles… La malheureuse entreprise a heureusement échoué, et les roulé du maloya clandestinement d’abord, puis au grand jour ensuite, ont continués de résonner sur l’île de la Réunion, et même au-delà. Porté par une vague d’artistes passionnant dans les années 70 et 80, dont on peut citer Danyel Waro ou Renée Lacaille, le son Réunionnais a su également s’accommoder des us et coutumes musicaux de son époque, et aujourd’hui, alors que le maloya est désormais classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, on voit fleurir toute une scène électronique autour des rythmes d’antan.

Alors, donc, quand une curieuse et jeune équipée, faite de noirs et de blanc, de Réunionnais venus des quatre coins de l’île, et même pour certains qui se sont déjà illustrés au côté de grand nom du maloya comme Luc Moindranzé Karioudja et David Doris, camarades de route de Waro, et de trans-réunionnais non-binaires, et en fin de compte pas du tout réunionnais, si ce n’est de cœur, comme la chanteuse camerounaise Cindy Pooch, ou encore l’ancien batteur de Kumbia Boruka, Hadrien Santos Da Silva… pointe le bout de son nez et vient tambouriner son roulér à la porte de l’Opéra de Lyon, haut lieu de l’académisme saucisse purée… on ne peut que tendre l’oreille, et prêter une grande attention à ce Maloya à l’opéra de Ti’Kaniki, car, oui, le monde avance !

Ti’Kaniki – « Pil Bandé » :

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