Lua Ki Di Nos, la lune de José Carlos Schwarz brule à nouveau

Il s’en passe des choses au clair de lune, et pas que des sonates, avec leur dernière parution, Lua Ki Di Nos, la lune est à nous, le label français Hot Mule Records nous fait découvrir ou redécouvrir l’un des artistes majeurs de Guinée Bissau, mais aussi l’une des figures de son accès à l’indépendance, José Carlos Schwarz, accompagné ici de son célèbre groupe, Le Cobiana Djazz.

À la fin des années 60, et au début des années 70, le pouvoir dictatorial portugais de Salazar, puis de son successeur Caetano, est aux abois, et fait face à des contestations acharnées, pour ne pas dire violente, tant dans ses colonies africaines, qui ayant vu leurs voisins s’affranchir des différentes dominations européennes qui s’appuyaient sur eux, aspirent à en faire de même, que sur le sol même du Portugal, où le peuple est fatigué par l’autoritarisme du pouvoir et la pauvreté récurrente, et où l’armée, colonne vertébrale de l’Estado Novo salazariste, commence à voir d’un mauvais œil l’enlisement du pays dans d’abjectes guerres de « pacification » dans les colonies. Et en Guinée Bissau, alors encore Guinée portugaise, la gronde se fait sentir, organisée autour d’un agronome plutôt branché marxisme et négritude, un certain Amílcar Cabral, et les âmes éprises de liberté se rencontrent et s’organisent, le Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde, PAIGC pour les intimes est créé, et la rébellion se structure.

Et c’est là qu’on en vient à José Carlos Schwartz, notre tout jeune chanteur bissaoguinéen, qui a déjà le vent en poupe avec son Cobiana Djazz, car, plutôt que de se contenter de jouer quelques morceaux dans un mood européen, il s’emploie à revisiter le patrimoine musical bissau-guinéen, le gumbé, et à user dans ses textes du kriol local, se fait happer par ce mouvement libertaire qui souffle un peu partout sur le monde lusophone. Il met ses mots de poète au service de la révolution qui gronde, et s’engage activement dans le mouvement. Un engagement qui dépassera largement les limites des scènes où il se produit de par le pays, car rapidement il rentrera dans la clandestinité, prendra part à des actes de guérilla urbaine et des sabotages, ce qui lui vaudra d’ailleurs d’être arrêté par les autorités portugaises, torturé, et jeté en prison.

En 1973, alors que la Guinée Bissau devient indépendante, Schwartz, sorti de prison en héros, continue son double parcours, à la fois sur scène, et en même temps en politique. Il devient directeur du département des arts et de la culture de Guinée-Bissau, et responsable de la politique de l’enfance. Mais en même temps qu’il occupe ses fonctions politiques, il continue de chanter le feu qui boue dans les veines des Bissaoguinéens, et si l’ennemi portugais a quitté le pays, de nouvelles ombres, plus tenaces, se dessinent à l’horizon, celles de la corruption, de la prévarication, de la vénalité… Ses mots, là encore, dénonceront cette gangrène qui, de nos jours, ronge toujours le pays. Et la dénonciation de ses vils agissements, pratiqués parfois par certains de ses anciens camarades de luttes, lui vaudra quelques inimitiés. En 1977, pour l’éloigner un peu du pays, il est nommé ambassadeur de la Guinée-Bissau à Cuba ; le 27 mai 1977, son avion se crashe mystérieusement en arrivant à quelques kilomètres de La Havane, il meurt à 27 ans.

José Carlos Schwartz reste et restera toujours comme l’une des figures majeures de l’histoire bissaoguinéenne, tant musicales, poétique, que politique, il laisse à la postérité de nombreux textes et seulement trois albums, José Carlos Schwarz et Le Cobiana Jazz – Vol. 1 et Vol. 2, et Djiu Di Galinha sur lequel apparaît une certaine Miriam Makeba (dont d’aucuns disent qu’ils auraient eu une liaison). Avec Lua Ki Di Nos, le label Hot Mule nous propose donc un florilège de son œuvre, une promenade sous une lune poétique et fiévreuse, dans cet art qui mêle la violence d’une révolution, les joies de la libération, la tristesse de l’absence… la saudade de José Carlos Schwartz.

José Carlos Schwartz – Lua Ki Di Nos :

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