Ambiance d’hammamet : Mounir Troudi, Enfin de la musique à Hammamet !

Après une série de spectacles particulièrement peu intéressants consistant en un florilège de variétés internationales sans grande envergure : le disco reggae millimétré de Third World, un Oscar D Léon à peine digne d’un mauvais Club Med, quelques stars orientales un peu trop mielleuses, une vieille Américaine dont le spectacle n’a été sauvé que par la présence du guitariste tunisien Hedi Fahem qui a fait ce qu’il a pu pour tirer vers le haut la pénible Liz Mc Comb, et clou du clou, le rappeur français l’Algerino qui comment le dire poliment… est venu poser sa pêche au milieu de la scène, avec un set DJ que votre petit cousin de 14 ans aurait pu mieux assurer avec ses premières platines achetées au supermarché du coin, et un show qui puait le playback à plein nez… Et dire que tout ça est payé par de l’argent public tunisien.

Mais venons-en au fait, ce vendredi 16 août au soir, c’était le chanteur tunisien Mounir Troudi qui venait présenter son spectacle Revolutionnary Mood qui, sur une solide, mais du genre très solide, base de jazz, emprunte une voie qui conduit l’auditeur de l’Espagne du flamenco aux chants hindoustani du Pakistan et de l’Inde du Nord, en passant par des chemins arabo-andalous, et, bien sûr, en marquant une longue halte en Tunisie ! Autant dire que la proposition est des plus intéressante, et donc si l’amphithéâtre d’Hammamet est resté ce soir-là un peu plus clairsemé qu’à son habitude, ce n’est pas à cause de la programmation ni à cause de la communication, non, la raison en est encore plus absurde.

Il y a quelques mois, Mounir Troudi, invité par une chaîne de télévision tunisienne a, paraît-il, fait un commentaire un peu désobligeant sur une équipe de football locale, le Club Africain, qui venait de perde un match sur un score ridicule, quelque chose comme 5-0, ce qui a eu pour effet de déclencher l’ire des supporters déconfits du Club. Et quelques excités du ballon rond, et des réseaux sociaux, ont commencé à se monter la tête sur Facebook, à parler de boycott, de venir devant les concerts de l’artiste, etc… bien sûr, c’est ici qu’un blabla virtuel jamais suivi de fait, Hammamet n’est pas Manchester. Mais bon, un vent de panique s’est emparé des autorités tunisiennes, ce qui a conduit à un important défilé d’uniformes devant l’entrée du festival, et à l’arrêt précoce des ventes de billets… ce qui ne veut rien dire, car soit il y a une menace réelle et on annule l’événement, soit la menace n’est pas si concrète et auquel cas on laisse l’événement se dérouler dans de bonnes conditions, en laissant la billetterie ouverte… Voilà comment la police tunisienne et la direction du centre culturel ont courbé l’échine devant quelques supporters de football… comment le dire brièvement… c’est honteux.

Arrêtons de parler football et polémique, et concentrons-nous sur la musique, car, oui, envers et contre tous, il y en a eu ce soir ! Mounir Troudi, encadré par une formation plutôt conséquente, de gauche à droite, piano, guitare, celle plutôt héroïque de Hedi Fahem, batterie, saxophone, basse, violon, et flûte, a distillé sa fusion avec maestria.
Le chanteur tunisien a fait une très belle démonstration de la grande amplitude et la parfaite maîtrise de sa voix, capable d’aller chercher aussi bien dans la tradition soufie, que dans le flamenco, d’aller s’envoler du côté du Rajasthan, avant de revenir avec ce voile rauque et l’émotion du chanteur de cabaret qui en a vu. L’orchestre lui ne s’est pas laissé impressionné et a enchaîné les variations colorées, les solos de guitare jazz qui habillerait volontiers la tête de Wes Montgomery d’une chéchia rouge, les danses du sax de Peter Corser qui tabasse, qui vomit ses notes dans une ivresse un peu punk à la Thomas de Pourquery, l’oscillation de la basse qui crisse, les intermèdes de piano classique, les envolées de flûtes et de violons, et la régularité presque techno de la batterie de Philippe Pipon Gonzales.

Duo piano voix, duo batterie voix aux allures vocodés de Tunisia Love, si on peut paraphraser 2Pac de la sorte, montée funky, du jazz qui décroche quelques instants de grâce, des envolées lyriques qui force le respect, des passes techniques qui vous font vous redresser et vous prendre le menton a deux doigts… et, de la musique ! Enfin de retour sur la scène pourtant prestigieuse de Hammamet ! Et même si l’on peut regretter quelques petites anicroches techniques, Mounir Troudi, sous ses airs de sémillant trublion dansant, s’avère en fait être un chef d’orchestre attentif, qui n’hésite pas entre deux mouvements deux danses, entre deux entrechats sautillants, à recadrer d’un regard noir, ou d’un geste discret, mais autoritaire, qui des musiciens, qui des techniciens.

La soirée s’est achevée sur un long morceau de conclusion, piqué d’un thème entêtant, et laissant la place pour d’habiles solos de chacun des musiciens, sous les acclamations du public ! Et alors que le groupe s’apprêtait à saluer, un homme a l’allure lourde, un gaillard rustre, diba comme ça dirait les Ivoiriens, engoncé dans une chemisette bleue à manche courte, fait irruption sur le côté de la scène… Incompréhension. Qui est ce butor gaou qui vient jouer les trouble-fêtes dans la communion entre des musiciens et leurs publics ? Un policier ? Ça y est ? Il y a eu un drame à la sortie ? Les supporters ?

De l’autre côté de la scène ça bouge aussi, une femme, secondée par la longue silhouette du directeur du Centre Culturel, monte à son tour sur scène… Cette fois, c’est sur, ils vont nous annoncer un drame… Et puis, attendez, non, mais… ils font monter un photographe, et commencent à serrer des mains… Ah…

On apprendra par la suite que la femme est la gouverneuse de la région, et que l’homme en chemise bleue est un des membres du sacro-saint comité directeur du festival, oui, oui, ceux-là mêmes qui se font une fierté de programmer l’Algerino…

La présence policière très importante, les directions qui courbent l’échine, et les incursions sur scène alors que le spectacle n’est même pas terminé… tout cela prend dangereusement des allures de sept novembre.

Mounir Troudi au Festival de Hammamet :

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