Comme le dirait Boileau, une fois de plus le label lyonnais Galant Records remet l’ouvrage sur le métier, et nous propose à nouveau, dans le cadre de sa série Seeds, une grande rencontre entre un beatmaker et un rappeur, et même deux rappeurs, avec un nouveau titre qui va faire couler une jolie encre noire sur des pages blanches et musicales, qui va noyer dans la lumière d’un rap qui sait là où il va les clichés sur le racisme : « Teintés ». Ici, c’est NUMéROBé le maître des pages qui agence un beat élégant le long des lignes du cahier d’écritures des deux rappeurs, Al20 et Eesah, ou plutôt Eesah et Al20, car la galanterie veut que l’on cite la femme en premier.
Ah ? Vraiment ? Vous pensez qu’au 21ème siècle faire du rap antiraciste — un bon vieux rap des familles, solidement ancré dans le jazz qui fait boom et le groove qui bap, avec des textes qui rebondissent et des flow qui tranchent — oui, vous pensiez que faire du rap comme ça, pour dénoncer le racisme, était un combat d’un autre temps, que de toute façon qu’en France il n’y a plus ni haine ni discrimination… oui cela aurait été bien joli, mais malheureusement c’est encore une utopie. Une preuve de ce que l’on avance ? Pas plus tard qu’il y a quelques jours, le trio qui nous intéresse aujourd’hui a délivré un petit concert… bah oui un concert en ligne, on vit maintenant dans le monde post-covid, pour un célèbre journal français. Ce genre de journal passé à droite, qui a gardé suffisamment de réflexes de gauche pour inviter un groupe de rap, mais dont, au moins une partie du lectorat a visiblement déjà complètement vrillé du coté de la droite populiste la plus racoleuse, du genre de celle qui aime s’éclairer avec des flammes bleu blanc rouge ! Et le concert, pourtant honnête et plutôt bon enfant, oui pas même l’ombre d’un petit « la France est une garce » à signaler, a déclenché une avalanche de commentaires racistes de la pire espèce, de comparaisons honteuses… une véritable tempête d’aigreur !
Bon heureusement, ce n’est pas ça qui va faire ravaler ses textes à Al20, ou son incisivité à Eesah, et on profitera tranquillement des bons mots sur Tintin au Congo, les baobabs, et les tam-tams, on espérera que le James cité en référence est plutôt Baldwin que LeBron, mais bon n’en demandons pas trop il est ici en fait complètement Kery ! Et on hochera la tête sur la guitare tranquille qui invite les synthés dans la danse, et on hochera la tête sur le rythme qui fait boom et qui fait bap, et on hochera la tête sur ce « Teintés » mais pas opaque qui lutte contre ces clichés racistes qui, aujourd’hui encore ont la peau peut être pas noire, mais bien dure et obscure.
[SEEDS#14] Eesah X Al20 X NUMéROBé — « Teintés » :
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